Immobilier : « Les mandataires n’ont pas attendu l’Autorité de la concurrence pour baisser leurs honoraires », Vincent Pavanello

Vincent Pavanello, président de la Maison des Mandataire revient sur l’Avis de l’Autorité de la Concurrence sur les honoraires des professionnels de l’immobilier. Tribune.

Portrait de Vincent Pavanello, cofondateur de la Maison des Mandataires

© adobestock

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Comme c’est le cas régulièrement, l’Autorité de la concurrence s’est intéressée récemment au secteur de l’intermédiation immobilière. Autrement dit, au niveau des commissions facturées par les agents immobiliers. Ces travaux ont donné lieu à la publication d’un avis début juin, avis commenté très virulemment dès sa sortie par plusieurs personnalités imminentes de notre industrie. Je pense au président de la FNAIM ou encore au dirigeant du réseau Guy Hoquet. Pour notre part, nous avons pris le temps de lire en intégralité le rapport et d’échanger avec de nombreux professionnels de l’immobilier pour se forger une opinion. Notre réaction, à froid, en 4 points.

Tous les modèles d’intermédiation n’ont pas la même politique tarifaire, et l’Autorité de la concurrence en prend acte

L’avis de l’Autorité de la concurrence fait une centaine de pages et nous devons tous constater que les travaux ont été menés sérieusement. Le document publié témoigne d’une bonne connaissance de notre secteur, notamment due aux nombreux entretiens menés avec des professionnels. Parmi les points soulignés à juste titre par les auteurs, il y a l’idée que tous les modèles d’intermédiation ne pratiquent pas les mêmes prix.

Allons droit au but : le rapport stipule en page 62 qu’il existe un écart d’environ 20% entre les commissions des agences vitrées et celles des mandataires immobiliers. En fonction de la région considérée, sur les 4 citées dans l’avis (Creuse, Morbihan, Rhône et IDF), cela représente in fine un gain de pouvoir d’achat qui va de 1 700€ à 6 000€ par transaction.

Dans tous les marchés, les nouveaux entrants prennent des positions en essayant de mieux répondre aux attentes des clients. En ce qui concerne les vendeurs et les acheteurs, il est clair que le niveau des commissions pouvait être un irritant et c’est bien pour cela que les réseaux de mandataires ont opté pour des commissions plus faibles dès le tournant des années 2010.

On peut même dire que c’est grâce à la montée en puissance de ces réseaux de mandataires que la commission moyenne a commencé à diminuer à partir de 2018 (page 57 du rapport). Pour rappel, les mandataires ont pu appliquer des prix moins élevés en raison de leur modèle économique qui repose sur moins de coûts fixes (absence de vitrine et moins d’échelon hiérarchique à rémunérer).

Le paiement au succès, un modèle que les consommateurs comprennent et apprécient

L’autorité de la concurrence s’interroge sur la légitimité d’un paiement au succès pour les agents immobiliers, alors rappelons d’abord pourquoi c’est ce mode de rémunération qui s’est imposé.

Il faut remonter plus loin que la loi Hoguet pour bien comprendre les enjeux. Une ordonnance de 1958 a en effet interdit aux agents immobiliers de percevoir des provisions, c’est-à-dire d’être payés avant même que la transaction soit conclue. Pourquoi ? Car cette ordonnance faisait elle-même suite à des nombreux scandales dans lesquels certains intermédiaires véreux avaient disparu dans la nature après réception d’une partie de la commission. Le législateur a donc voulu protéger le consommateur en faisant coïncider la transaction effective et le paiement d’une commission. Nous pourrions dès lors nous demander pourquoi ce paiement au succès est également devenu la norme même dans les pays où la réglementation permet d’autres types de facturation.

Nous arrivons au cœur du sujet. La prestation de service d’un agent immobilier est l’une des rares prestations de services fournies au particulier dont l’issue est incertaine. Quand vous avez recours à une prestation de ménage à domicile, il est rare que celle-ci soit ratée. De même, la garde d’enfant occasionne très rarement pour le client final un sentiment d’inaccompli. Or, de nombreuses ventes immobilières ne vont pas au bout, en raison d’un désaccord sur le prix ou tout simplement d’une absence d’acquéreur potentiel.

C’est parce que le client sait que l’opération peut échouer qu’il ne veut pas prendre le risque de payer des honoraires en amont. C’est aussi pour lui une façon d’intéresser fortement l’agent à la réussite de son projet, et c’est pourquoi nous sommes convaincus que les Français sont attachés à ce principe de rémunération au succès. Toute autre forme de rémunération serait de nature à créer la confusion pour le consommateur.

Pas assez de concurrence dans l’intermédiation? Un mauvais diagnostic de l’Autorité de la concurrence

C’est un autre axe du rapport de l’Autorité de la concurrence, qui mérite que l’on s’y intéresse. Il faudrait plus de concurrence dans le marché pour faire baisser les prix. Le diagnostic nous paraît erroné, voici pourquoi.

D’une part, il n’y a jamais eu en France autant de conseillers immobiliers actifs, et la concurrence est forte sur l’ensemble du territoire français. Même si nous manquons de données précises, les observateurs s’accordent à dire que le nombre de conseillers a doublé depuis 2016 pour passer de 55 000 à 110 000.

Cette croissance s’explique par le fort développement des réseaux de mandataires, qui sont allés couvrir des nouvelles zones géographiques où les clients les attendaient, et par le retour à un plus haut historique en matière d’agences vitrées actives (entre 25 000 et 30 000 en 2022).

D’autre part, la concurrence sur ce marché n’existe pas seulement entre professionnels. Le particulier est libre de vendre par lui-même son bien et il ne viendrait à l’idée de personne de revenir sur ce principe. En plus d’être libre, il dispose aujourd’hui de solutions digitales qui lui donnent vraiment le pouvoir. Les estimateurs en ligne sont à sa disposition et les portails lui permettent de faire savoir au plus grand nombre que son bien est à vendre.

La concurrence joue à plein, et nous observons que 7 vendeurs sur 10 privilégient le recours à un professionnel, un chiffre en augmentation constante depuis quarante ans. La concurrence est bel et bien là, et nous ne voyons pas comment il serait ne serait-ce que possible d’en accroître l’intensité.

Concerter et choisir le bon timing

Si beaucoup de professionnels ont été audités en amont de la rédaction de l’avis de l’Autorité de la concurrence, il nous semble très utile d’organiser dès la rentrée de septembre une concertation avec l’ensemble des parties prenantes. Tout n’est pas à jeter dans ce rapport, loin de là. Le besoin de transparence ou la mise à disposition des données des notaires sont évidemment des pistes à explorer, tout comme le nécessaire travail de simplification du DPE. Parlons-en.

Soyons enfin vigilants quant au timing d’une éventuelle réforme. Depuis le fort ralentissement du marché, -10% en 2022 et vraisemblablement -20% en 2023, les réseaux et leurs conseillers sont mis à rude épreuve.

Deux agences immobilières vitrées fermeraient chaque jour en France, et les charges courantes des agents (carburant, marketing pour publier les biens sur les portails, etc.) sont en forte augmentation. Nous ne voulons pas exagérer ici le potentiel effet ciseau entre les revenus et les coûts, mais simplement mettre en évidence que le secteur de la transaction dans l’ancien entre clairement dans une zone de turbulences qu’il n’est peut-être pas opportun d’y ajouter de l’instabilité normative en matière d’honoraires. En tous cas pas tout de suite.

Par vincent pavanello, fondateur de la Maison des Mandataires