Immobilier : Rennes désormais en zone tendue, ce qui bloque

Le marché de la location de la capitale bretonne est grippé. La situation se détériore d’année en année. Et la déclaration de l’agglomération rennaise en zone tendue ne va pas résoudre le problème.

Facades d'immeubles anciens à colombage à Rennes en Bretagne

© adobestock

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Le 25 août 2023 fera date. Une modification de l’arrêté du 1er août 2014 pris en application de l’article R. 304-1 du code de la construction et de l’habitation a été publiée au Journal officiel. Pour la première fois, Rennes et les communes limitrophes comme Chantepie, Cesson-Sévigné, Bruz, Chartre-de-Bretagne dans le cercle des communes rejoignent le cercle des communes dites en zones tendues.

Les loyers désormais encadrés à Rennes

Cette décision du ministère du Logement était attendue depuis plus de cinq ans, tant mois après mois, la situation se détériore pour les demandeurs de logement.

Grâce à ce nouveau statut, l’immobilier locatif rennais connaît un nouveau cadre réglementaire.

D’abord, le délai légal du préavis de départ d’un locataire passe de 3 à 1 mois seulement pour tous les logements loués.

Ensuite, les loyers sont désormais encadrés aussi bien pour les locations vides qu’en meublé. « Les propriétaires ne pourront plus augmenter leur loyer entre deux locations », relève Solène Fleury, gestionnaire de biens chez Guenno Immobilier. Cependant, cette disposition visant à limiter l’inflation des loyers pourrait être contreproductive, en réduisant le nombre de logements à la location longue durée.

« Il y a une opportunité pour les propriétaires de louer en Airbnb, comme cela a été le cas à Bordeaux, Nantes, Lille ou Paris », craint la professionnelle de l’immobilier locatif sur Rennes. Le phénomène est déjà là. Dans une interview à Ouest-France début septembre dernier, Honoré Puil, vice-président de Rennes métropole en charge du logement, constatait une progression de 15 à 18%, pour représenter 5 000 logements sur les 220 000 logements proposés à la location sur l’agglomération rennaise.

Enfin, les logements vacants au mois douze mois au 1er janvier de l’année d’imposition sont soumis à une taxe. Pour 2023, le taux a été porté à 17% pour la première année de vacance de locataire et à 34% pour les durées supérieures.

Métropole de Rennes : Quelles sont les communes qui entrent en zone tendue ?

Outre Rennes, 15 communes de la métropole font leur entrée en zone tendue : Betton, Bruz, Cesson-Sévigné, Chantepie, La Chapelle-des-Fougeretz, Chartres-de-Bretagne, Melesse, Montgermont, Noyal-Châtillon-sur-Seiche, Pacé, Saint-Grégoire, Saint-Jacques-de-la-Lande, Thorigné-Fouillard Vezin-le-Coquet et Pont-Péan.

Entre 400 et 970 € par mois pour un 18 m² en meublé !

Pour le moment, Guenno Immobilier ne s’attend pas à un rééquilibrage du marché locatif.  « Rennes a une grosse saisonnalité : de mai à septembre, nous débordons de demandes de location, mais de novembre à mars, voire avril, il y a beaucoup moins d’étudiants ou de jeunes qui cherchent à s’installer », résume Solène Fleury.

Et la rentrée 2023 n’échappe pas à la règle. Rennes accueille cette année quelque 72 000 étudiants, en progression de 20% sur 10 ans, quand Rennes affiche près de 230 000 habitants.

Cette tension conjoncturelle se retrouve dans le montant des loyers. Ainsi, la résidence étudiante Whoo Rennes Gare propose un studio de 18 m² à 970 euros par mois, charges comprises. Pour justifier ce montant très élevé, il faut regarder du côté des prestations : meublé neuf, salle de fitness, internet wifi, laverie sur place, local vélos, restaurant en rez-de-chaussée, espace détente et salle à manger. Tous les logements ne sont pas à ce prix.

Pour un budget de 400 euros, il est possible de trouver un logement avec la même surface. C’est le cas de ce studio entre le RoazhonPark et le centre-ville, près de la Vilaine et du Parc Saint-Cyr, repéré sur le site Studapart. Le locataire bénéficie de toutes les prestations minimum d’un meublé : lit, placards, table, bureau, chaises, équipements de cuisine… Par contre, le propriétaire exige un dépôt de garantie de 2 mois de loyer, sur lequel sera déduite la taxe d’ordures ménagères en fin de location. Une exigence étonnante.

Les années précédentes, l’offre de petites surfaces était concurrencée par une recherche de colocation. Pas en cette rentrée 2023 : « La demande pour la colocation, notamment la colocation solidaire qui se fait beaucoup sur les quartiers étudiants s’avère moins importante. Il y a un déséquilibre entre l’offre et la demande », observe Guenno Immobilier.

Chez tous les acteurs du marché, le constat est le même : de nombreux appartements rénovés pour de la colocation restent sans locataires. Pourquoi ?  « Pour un même budget de 450 euros, un jeune étudiant va privilégier d’abord un studio tout seul dans le centre-ville ou dans le péricentre, plutôt qu’un appartement dans le quartier Villejean [NDLR : proche du campus Rennes 2 et CHU] avec 4 personnes », répond Solène Fleury.

Des colocations trop chères à Rennes

L’engouement des investisseurs locatifs pour la colocation bute sur plusieurs écueils.

Le premier porte sur le manque de confort et de convivialité des logements : le séjour a souvent été rénové et transformé en chambre. Outre de rapporter un loyer supplémentaire, ces travaux permettent d’éviter les fêtes à domicile.

Le second concerne les loyers pratiqués qui sont au-dessus du marché. Un T4 en colocation meublée rapporte en moyenne 1 400 à 1 800 euros/mois, quand un T4 en meublé ou vide oscille entre 890 et 1 200 euros.

Le troisième est l’oubli que la colocation était un choix par dépit et la négligence de l’attractivité du rapport qualité/prix du bien. Et Solène Fleury de rappeler ce bon raisonnement : « Une chambre dans un appartement en colocation à Villejean ne vaut pas le même prix qu’un studio indépendant dans le centre ou dans le péricentre ».

Ce comportement des propriétaires est à mettre en parallèle aux prix à la vente qui ont fortement augmenté au cours des dernières années.

Selon MeilleursAgents, la hausse est de 38,5% en 5 ans, pour les appartements et de 40,5% pour les maisons. Et sur un an, la tendance reste haussière, bien que plus modérée.

Selon les données des Notaires bretons, à fin juin 2023, un appartement ancien se vendait en moyenne à 3 840 euros le m² (+3,3% sur un an), un appartement neuf 5 890 le m² (+16,8%) et une maison ancienne pour un budget moyen de 495 800 euros (-2,8%).

Une autre problématique est à prendre en compte dans le développement des colocations en péricentre et faubourgs de Rennes : « 70% des biens locatifs du centre historique vont devenir non louable en 2024« , avertit Guenno Immobilier. A date, même avec la meilleure des volontés des propriétaires, ces biens ne pourront pas bénéficier de travaux de mises aux normes pour être moins énergivore. Or ce sont principalement des étudiants qui les occupent. La rentrée universitaire 2024 s’annonce explosive !

Par Baptiste Julien Blandet