Immobilier : Les conditions de marché basculent et pourtant les Français ont toujours des projets

Globalement, les Français prennent la mesure du retournement du marché mais leurs projets d’achat immobilier pour les 12 mois à venir restent stables.

Vue aerienne de la ville de Paris avec des nuages dans le ciel

© adobestock

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Le Groupe BPCE publie la synthèse de l’étude des Rendez-vous de l’immobilier. Ce qu’il faut en retenir ? Malgré des conditions de marché qui basculent, les ménages Français ont toujours des projets immobiliers mais leurs anticipations évoluent.

Des anticipations de prix à 12 mois toujours en hausse, une demande résiliente

Les projets d’achat immobilier des Français pour les 12 mois à venir restent stables depuis deux ans, mais les opérations en cours actuellement marquent le pas au profit des projets pour les prochains mois. Les acheteurs potentiels ont une vision plus favorable de la conjoncture que la moyenne des Français. La demande est donc bien présente et s’accompagne d’anticipations de prix toujours orientées à la hausse : 39% des acheteurs s’attendent à une hausse des prix d’ici à un an, contre 31% qui envisagent une baisse des prix. L’image de l’évolution des prix immobiliers se dégrade certes mais la baisse tarde à être admise par les Français.

Les intentions de vendre s’érodent légèrement mais demeurent supérieures à leur tendance de moyen terme. Les vendeurs ont également une vision de la conjoncture de l’immobilier moins défavorable que la moyenne des Français et n’anticipent pas non plus majoritairement une baisse des prix. Ce haut niveau de l’offre accroît de facto le pouvoir de négociation d’une demande de plus en plus sélective.

Globalement, les Français prennent la mesure du retournement du marché et considèrent le contexte plutôt négatif pour acheter ou vendre mais leurs anticipations de prix ne se sont pas retournées à la baisse.

Le DPE s’impose progressivement comme un déterminant de la valeur

Le déploiement des mesures contraignantes attachées au DPE (diagnostic de performance énergétique) opère une influence plus marquée sur le marché résidentiel en renforçant le pouvoir des acheteurs. Un DPE F ou G (mauvaise performance énergétique) constitue un motif de vente pour 43% des vendeurs qui anticipent une baisse de la valeur future de leur bien, et qui, en majorité, ne souhaitent pas assumer les difficultés et les coûts associés à des travaux de rénovation énergétique. Le DPE devient un repère complémentaire de valeur du bien, un argument de négociation et un élément déclencheur de mise en vente de biens plus médiocres qui pourraient alimenter l’offre. Les deux postures d’acheteurs observées antérieurement se renforcent entre ceux qui préfèrent éviter d’acheter des biens en F ou G mais aussi une minorité qui entrevoit des opportunités.

La « valeur verte », écart entre les prix des logements présentant un mauvais DPE (F ou G) et ceux constituant une référence de qualité moyenne (DPE D, selon les Notaires) s’accroît sensiblement entre 2021 et 2022, que ce soit pour les maisons individuelles où elle était déjà marquée, ou pour les appartements où elle était moins significative. Dans une configuration de freinage du marché de l’ancien, la part des logements F et G dans la totalité des biens échangés augmente et devient plus pondéreuse sur l’évolution des prix.

Plus globalement, le ralentissement du marché nourrit les inquiétudes des vendeurs sur les délais de vente de leur bien (pour 59% d’entre eux) et leurs anticipations sur une décote à envisager (pour 58%).

Crédit, solvabilité et prix : de nouveaux repères s’installent

Activité du marché du crédit fortement impactée par la hausse des taux d’intérêt et baisse décalée mais massive des transactions dans l’ancien

Environ les ¾ des individus ayant un projet d’achat immobilier disent avoir dû y renoncer, le reporter ou le modifier du fait de la hausse des taux. Celle-ci s’est traduite par une baisse des crédits nouveaux de près de 40% sur les 10 premiers mois de l’année et la variation de l’encours du crédit (1,7% l’an) est désormais inférieure à l’inflation. Le fait marquant en 2023 est le désendettement des ménages vis-à-vis du crédit à l’habitat.

En corrélation avec la contraction du marché du crédit mais aussi en lien avec l’attentisme croissant des ménages, l’activité immobilière subit depuis plus d’un an une décrue importante (870 000 transactions dans l’ancien estimées pour 2023), qui s’amplifie et se propage à tous les territoires. Toutefois, les tendances d’arbitrage entre zones géographiques n’ont pas disparu, notamment au bénéfice des départements péri-urbains, des villes moyennes, voire de zones plus rurales.

Globalement, le rythme mensuel des ventes de logements ne traduit pas un effondrement du marché et revient plutôt à un niveau standard de longue période. Ainsi, la vitesse de rotation du parc de logements chute, mais sans rejoindre ses plus bas historiques.

Le recul rapide des ventes de logements s’accompagne d’une baisse modérée des prix nominaux

L’ajustement des prix succède avec retard et de façon modérée à la chute drastique de l’activité, même si la tendance a été un peu plus précoce dans quelques grandes métropoles (Paris, Lyon…). L’hétérogénéité des marchés immobiliers prédomine en France, ce que le maintien de tendances haussières des prix des logements dans certaines villes (exemple des maisons individuelles) confirme, alors même que la diffusion des baisses s’est élargie au 3ème trimestre au point que le prix moyen des logements en France ressort à -1,9% sur un an glissant.

Pour réaliser des projets immobiliers, dans un contexte de hausse rapide des taux d’intérêt, des mécanismes d’ajustement viennent malgré tout soutenir la demande : poursuite de l’allongement de la durée des crédits et de la montée du taux d’effort, accroissement du taux d’apport permettent à une partie des ménages d’être moins sensibles à la désolvabilisation consécutive à la remontée des taux. Au total, de 2021 à 2024, ces mécanismes d’ajustement associés à la hausse des revenus nominaux liée à l’inflation compensent près de la moitié de la perte de capital empruntable par les ménages sur la période.

De façon générale, dans un environnement inflationniste comme celui des dernières années, les prix réels (après prise en compte de l’inflation) apportent un éclairage plus nuancé sur la perte de pouvoir d’achat immobilier des ménages. Certes, les prix moyens ont crû de 28% en valeur nominale entre le T3 2007 et le T3 2023 mais après prise en compte de l’inflation, donc en valeur réelle, les prix sont revenus au niveau de fin 2007. L’ajustement des prix apparaît donc très avancé et passe, jusque-là, davantage par le canal de l’inflation que par celui d’une baisse nominale des prix… et limite ainsi la perte de « capital empruntable » par les ménages.

La construction de logements face à l’inflation et aux injonctions contradictoires

La crise de la construction s’observe tant par la chute du nombre de logements mis en chantier, que par l’indicateur plus avancé constitué par le nombre d’autorisations de construire délivrées dont l’évolution laisse anticiper une poursuite de la chute du secteur, qui atteint déjà un niveau historique.

La dérive des coûts de construction, supérieure à celle de l’inflation, le contexte réglementaire qui pèse historiquement sur l’économie de la construction (la plus récente étant la RE 2020), les tendances structurelles récessives (rareté et cherté du foncier, ZAN, déclin démographique de la main d’œuvre, …), l’impact de la hausse des taux d’intérêt sur la situation financière des entreprises du bâtiment et de la promotion immobilière, sont autant de facteurs de frein de l’ensemble du secteur du neuf (promotion immobilière, construction de maisons individuelles). La confrontation de cette hausse générale des coûts à la perte de solvabilité des ménages liée à la hausse des taux crée un effet de ciseaux qui rend difficile l’ajustement économique entre l’offre et la demande.

Poursuite du recul des volumes en 2024 et approfondissement de la baisse des prix

Le marché du logement neuf a subi plus rapidement et plus durement les effets conjugués d’une situation antérieure déjà dégradée avant la crise Covid19 et d’un contexte macroéconomique récessif. La politique du logement en France lui a longtemps profité, apportant un soutien solide lors de précédents trous d’air. Mais, en ligne avec les enjeux nationaux de transition écologique, les pouvoirs publics réorientent leurs efforts vers la rénovation des logements, fléchant les aides moins vers le neuf (fin du dispositif Pinel en 2024 déjà plus restrictif en 2023, recentrage du PTZ…) et davantage vers l’accompagnement des ménages à la rénovation de leur logement (engagements budgétaires accrus pour MaPrimeRénov, Eco-PTZ…).

Pour le secteur du neuf, la sortie de la crise s’annonce plus lente et plus difficile car la crise n’est pas seulement conjoncturelle. Elle nécessitera pour les opérateurs la recherche de nouveaux modèles économiques, plus efficients et en ligne avec les enjeux environnementaux, impliquant d’engager des ressources conséquentes en recherche et développement. Une mutation qui pourrait s’avérer discriminante pour une partie des entreprises qui constituent le tissu productif, et qui s’inscrirait dans un temps long. Les mises en chantier resteraient ainsi inférieures à 290 000 unités en 2024 comme en 2023.

L’atteinte des objectifs de rénovation des logements très ambitieux paraît encore difficile à se concrétiser au rythme actuel observé (~70.000 rénovations d’ampleur en 2022, moins de 90.000 estimées en 2023 pour un objectif de 200.000 par an à partir de 2024). Il est probable que la contribution de la rénovation à l’activité dans le secteur du bâtiment ne compensera pas, dans un avenir proche, le déficit d’activité lié au recul de la construction. En particulier, l’enquête de BPCE L’Observatoire, montre que la proportion de Français envisageant de s’engager dans les travaux de rénovation énergétique d’ici à 5 ans n’a pas varié depuis deux ans. La prise de conscience des ménages et leur motivation peinent à franchir un cap.

En 2024, le contexte de crédit apparaît à peine plus favorable que pour cette année, avec des taux toujours élevés qui ne devraient baisser qu’à partir du second semestre, et des mesures d’assouplissement du HCSF peu impactantes à un instant de l’histoire immobilière où les ménages visés par ces mesures essentiellement techniques (investisseurs locatifs…) se détournent de marchés devenus moins attractifs pour eux.

Malgré des motivations prégnantes des ménages (désir d’accession à la propriété, préparation à la retraite, placement patrimonial, perspective de transmission, …), la poursuite du ralentissement de l’activité immobilière dans l’ancien devrait se traduire par un niveau de 780 000 de transactions en 2024. La baisse des prix devrait quant à elle s’approfondir et se diffuser géographiquement, passant de -3% en 2023 à -6% en 2024, ramenant ainsi les prix moyens à leur point bas de la crise financière. Au-delà du contexte global (taux d’intérêt, DPE, incertitudes géopolitiques, économiques et sociales), les anticipations des ménages de baisse des taux et de recul des prix sont de nature à encourager et à prolonger un attentisme déjà sensible parmi les acheteurs et les vendeurs.

Par MySweetImmo