Législatives et patrimoine : Faut-il taxer les plus riches ou protéger l’attractivité financière ?

La campagne législative française s’anime autour du débat sur les « cadeaux fiscaux » du gouvernement et le « matraquage fiscal » des riches.

Billets de banque en euros avec une loupe sur un billet de 500 euros, un stylo et une calculatrice en arriere-plan.

© adobestock

 0

En finir avec les « cadeaux fiscaux » du gouvernement ou au contraire arrêter le « matraquage fiscal » des plus riches ? En pleine campagne des législatives, le débat se focalise sur la façon de trouver des recettes et la possible taxation des hauts revenus et patrimoines.

Écartée par la majorité et le RN, elle est brandie par la gauche pour assainir les finances publiques et créer des ressources, alors que le déficit public français vient d’être épinglé par la Commission Européenne.

La gauche veut « abolir les privilèges »

« Abolir les privilèges des milliardaires« : ainsi s’intitule le volet fiscal du Nouveau Front Populaire qui veut mettre à contribution les plus riches.

Davantage de tranches pour l’imposition sur le revenu, de CSG pour les plus riches, un héritage maximal, l’abandon de la flat tax qui permet une taxation limitée sur les capitaux… Le NFP vise un projet de loi de finance rectificative dès le 4 août, clin d’œil au jour de la suppression des privilèges féodaux en 1789.

L’impôt sur la fortune (ISF) serait également rétabli « avec un volet climatique« , après son remplacement en 2018 par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) d’Emmanuel Macron.

Il pourrait permettre de récolter 15 milliards d’euros par an, selon le NFP.

Au total, les nouveaux prélèvements pourraient rapporter « 60 à 120 milliards par an de recettes supplémentaires sur les plus aisés et les grandes entreprises« , précise à l’AFP Lucas Chancel, professeur invité à l’université américaine d’Harvard.

« Ces mesures peuvent avoir des effets économiques délétères, ce n’est pas neutre pour l’image de la France et son attractivité financière« , oppose Lisa Thomas-Darbois, directrice adjointe des études France à l’Institut Montaigne.

Selon elle, elles toucheraient non seulement les milliardaires mais aussi « les millionnaires et les gens un peu fortunés« .

Cette « révolution fiscale » risquerait de précipiter l’exil des grandes fortunes, craint de son côté l’économiste de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) Mathieu Plane.

« C’est un risque qui existe car l’Europe est une zone de concurrence fiscale« , explique-t-il.

Mais le NFP prévoit le retour de l' »exit tax » pour limiter ces départs, une « mesure légitime » rappelle Lucas Chancel, partisan d’une taxation accrue des plus riches.

Selon lui, le programme fiscal du NFP permet de « financer de nouvelles dépenses et maîtriser les déficits, sans demander d’effort supplémentaire aux classes moyennes et populaires« .

Au RN, pas touche aux fortunes

Dans le programme du Rassemblement National, la « chasse à l’immigration » se substitue à la « chasse aux riches » de l’alliance de gauche, analyse Lisa Thomas-Darbois de l’Institut Montaigne.

Le parti d’extrême droite propose certes, comme en 2022, de transformer l‘IFI en impôt sur la fortune financière (IFF), ce qui alourdirait la fiscalité sur les plus hauts patrimoines et rapporterait deux milliards supplémentaires selon le think tank libéral.

Mais le RN prévoit d’exclure la résidence principale de l’assiette de l’impôt, ce qui aurait « des effets bénéfiques concentrés sur les ménages les plus aisés« , observe l’Institut Montaigne.

Ceux-ci seraient aussi favorisés par l’allègement des droits sur les successions et les donations familiales prôné par le RN en 2022.

D’autres mesures fiscales du RN sont « inégalitaires« , constate Mathieu Plane, à commencer par la suppression d’impôts sur le revenu pour les moins de 30 ans, reportée sine die par le parti.

« Le jeune de moins de 30 ans qui est cadre dans la finance ne paierait pas d’impôt, contrairement à un ouvrier de 40 ans« , indique l’économiste.

L’exécutif veut un impôt mais mondial

Quant au camp présidentiel, il défend les baisses d’impôts engagées depuis 2017 et se félicite de l’attractivité financière du pays, classé depuis cinq ans au premier rang européen du baromètre EY.

Pour taxer les riches, il faut le faire à l’échelle mondiale, défend l’exécutif, qui bataille au sein du G20 avec le Brésil pour la création d’un impôt minimum sur les plus hauts patrimoines.

Il pourrait rapporter, selon les travaux de l’économiste français Gabriel Zucman, jusqu’à 250 milliards d’euros par an au sein des pays qui l’appliqueraient.

Autre piste, évoquée avant la dissolution: une taxe sur les superdividendes soutenue par deux ténors de la majorité, Yael Braun-Pivet (Renaissance) et Jean-Paul Mattei (Modem).

Par MySweetImmo avec AFP