« Pourquoi la réforme du statut LMNP ne verra jamais le jour ? », Roy Masliah
Le rapport Le Meur, dévoilé en juillet 2024, a secoué le secteur de la location meublée en France en proposant une réforme majeure du statut LMNP. Pourtant, malgré le tumulte médiatique et politique, cette réforme verra-t-elle réellement le jour ? L’analyse de Roy Masliah, fondateur de Decla.fr.
Le rapport Le Meur, rendu public en juillet 2024, a lancé un pavé dans la mare du monde de la location meublée en France. Commandé par la Première ministre Élisabeth Borne à la députée Annaïg Le Meur, ce rapport propose une refonte ambitieuse de la fiscalité des loueurs en meublé non professionnels (LMNP), avec une mesure phare : la suppression du régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) pour les LMNP.
Ce bouleversement, qui pourrait affecter des milliers de propriétaires, suscite d’importants débats, mais verra-t-il réellement le jour ? En analysant les forces en présence et les enjeux économiques, il semble peu probable que cette réforme soit adoptée en l’état.
Un statut incontournable remis en cause
Le statut LMNP, adopté par de nombreux investisseurs, offre des avantages fiscaux non négligeables. En particulier, il permet de bénéficier du régime BIC, qui permet d’amortir le bien immobilier et les meubles, tout en réduisant l’imposition des revenus locatifs. Le rapport Le Meur suggère de remplacer ce système par un régime plus restrictif, aligné sur les revenus fonciers, ce qui entraînerait une augmentation substantielle de la charge fiscale pour les petits propriétaires.
Les justifications de cette réforme sont claires : mettre fin à ce que certains considèrent comme des « niches fiscales » favorisant des investisseurs individuels au détriment d’un parc locatif accessible. Le but affiché est de redistribuer les ressources et d’encourager des investissements plus productifs, mais la suppression du régime BIC pourrait également entraîner une chute des investissements dans le secteur locatif meublé, accentuant ainsi la pénurie de logements disponibles, notamment dans les zones tendues.
Des forces économiques et politiques opposées à la réforme
Si cette réforme semble répondre à des préoccupations de justice fiscale, elle se heurte à une opposition bien ancrée, tant sur le plan économique que politique. Les investisseurs individuels, qui représentent une force non négligeable dans le marché immobilier français, risquent de voir leurs marges considérablement réduites, et cela pourrait avoir un effet boule de neige sur l’ensemble du marché locatif. La fin du régime LMNP tel qu’on le connaît pourrait provoquer une réorientation des investissements vers d’autres secteurs ou vers des dispositifs plus sécurisés, créant un déséquilibre dans l’offre locative.
Par ailleurs, cette réforme se confronte à des lobbies immobiliers puissants qui exercent une pression significative sur les décideurs politiques. Ces derniers ont déjà montré leur réticence à modifier en profondeur un dispositif qui, malgré ses défauts, contribue à la stabilité du marché locatif. Les propositions de réforme qui touchent de près ou de loin au secteur immobilier ont historiquement eu du mal à aboutir, et il est peu probable que ce projet déroge à la règle.
Les conséquences pour les investisseurs et le marché locatif
Si la réforme venait à être appliquée, ses effets seraient immédiats pour les propriétaires de meublés. L’abandon du régime BIC signifierait la fin des amortissements, un outil crucial qui permet aujourd’hui aux petits investisseurs de rentabiliser leurs biens sur le long terme. En conséquence, beaucoup pourraient choisir de vendre leurs biens, réduisant ainsi l’offre locative, déjà insuffisante dans certaines zones, et provoquant une pression à la hausse sur les prix des loyers.
De plus, les investisseurs étrangers, souvent séduits par le cadre fiscal avantageux du LMNP, pourraient également revoir leurs stratégies, affaiblissant l’attractivité du marché immobilier français dans un contexte déjà marqué par des incertitudes économiques.
Une réforme incertaine
En définitive, le rapport Le Meur propose des mesures qui, sur le papier, visent à rétablir une certaine équité fiscale et à réorienter les investissements vers des solutions plus inclusives. Cependant, le contexte actuel – marqué par une pénurie de logements locatifs et une pression économique sur les ménages – rend l’adoption d’une telle réforme très incertaine.
La suppression du régime LMNP aurait des conséquences majeures sur le marché immobilier et sur la capacité des petits investisseurs à continuer de proposer des logements. Alors que les tensions locatives continuent de s’accentuer, une réforme trop brusque pourrait provoquer des effets contraires à ceux recherchés : une raréfaction de l’offre de logements meublés, et in fine, une augmentation des loyers.
En conclusion, le rapport Le Meur a sans conteste le mérite d’ouvrir le débat sur la fiscalité des locations meublées en France, mais il semble peu probable que les réformes proposées soient adoptées sans modifications substantielles. Les obstacles économiques et politiques à la mise en œuvre de cette réforme sont nombreux, et il est probable que le statu quo perdure, au moins à court terme. Pour autant, il est clair que le modèle du LMNP tel que nous le connaissons pourrait ne pas être éternel. Le véritable enjeu sera de trouver un compromis entre justice fiscale et maintien d’un marché locatif dynamique.