Meublés touristiques : La ministre Marina Ferrari promet aux maires une « sortie rapide » des décrets d’application

Au lendemain de la publication au « Journal officiel » de la loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale, Marina Ferrari a promis, le 20 novembre, au congrès des maires, « une sortie rapide » des décrets d’application, avec une rédaction « juste, qui respecte l’esprit du législateur ».

Marina Ferrari

© Congrès des maires

La ministre déléguée chargée de l’Économie du tourisme, Marina Ferrari au congrès des maires

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Les nouvelles mesures de régulation du marché des meublés touristiques promulguées au « Journal officiel », le 19 novembre 2024, ont été longuement débattues le lendemain au congrès des maires par des élus très remontés sur le sujet.

Depuis en effet, plusieurs années, la location meublée touristique qui frappe le portefeuille des propriétaires était dans le viseur du législateur. Cela s’est traduit dès 2018 par l’adoption avec la loi « ELAN » d’un arsenal de sanctions visant, entre autres, à faire respecter la durée maximale de 120 jours de location pour une résidence principale. Un chiffre à retenir ? Le nombre de meublés de tourisme est passé de 300 000 à 1,2 million en huit ans, entraînant une hausse des loyers, des difficultés pour les élus à loger leurs habitants et pour les entreprises à recruter, y compris les sociétés du secteur du tourisme. À l’île d’Oléron, par exemple,  la situation est « catastrophique »  avec « 60 % à 70 % de résidences secondaires », a réagi Michel Parent, président de la Communauté de communes de l’île d’Oléron qui a fait condamner Airbnb à lui verser 1,3 million d’euros pour n’avoir pas collecté la taxe de séjour.

La plateforme d’enregistrement API « meublés touristiques » opérationnelle pour 2026

Depuis que les parlementaires ont durci la réglementation des meublés de tourisme dans l’espoir de faire basculer des locations saisonnières vers le locatif de longue durée dans les communes en déficit de résidences principales, la ministre déléguée chargée de l’Économie du tourisme, Marina Ferrari, a reconnu en présence d’Inaki Echaniz, député socialiste et apparenté des Pyrénées-Atlantiques, co-auteur du texte qu’ « il y a encore du chemin à parcourir en matière d’équité fiscale entre les locations de longue durée et le touristique. »  

Avant de promettre une sortie rapide des décrets d’application, avec une rédaction « juste, qui respecte l’esprit du législateur ». À court terme, les élus attendent effectivement avec impatience, et de mettre en œuvre la plateforme d’enregistrement API « meublés touristiques », opérationnelle pour 2026.

L’API « meublés touristiques », qui permettra l’enregistrement et le suivi des meublés touristiques, est déjà en test avec des communes comme Annecy (Haute-Savoie). « Elle va être complétée de nouvelles fonctionnalités et les plateformes comme Airbnb jouent bien le jeu aujourd’hui », a ajouté la ministre.

« Améliorer la relation bailleur – locataire »

Par ailleurs, Marina Ferrari a rejoint les propos de son homologue au Logement, Valérie Létard tenus le jour-même au congrès des maires : « Il faut absolument à favoriser la location de longue durée et améliorer la relation bailleur – locataire. »  « C’est peut-être l’un des sujets les plus difficiles à mener me semble-t-il », a-t-elle reconnu.   

Concrètement, la loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale a modifié la boîte à outils des maires, en rendant donc l’enregistrement des meublés obligatoire sur tout le territoire et en donnant un fondement juridique à la possibilité d’instaurer des quotas, ou d’instaurer un mécanisme de compensation par la création d’un logement par meublé touristique mis sur le marché. Les communes pourront aussi mettre en place une servitude de résidence principale.

Par conséquent, les élus pourront instaurer des quotas de meublés de tourisme sur tout ou partie de leur territoire, et créer au sein de leur plan local d’urbanisme (PLU) des zones réservées aux résidences principales, quand leur commune possède plus de 20 % de résidences secondaires ou est située en zone tendue.

« Nous avons fait le choix de cranter dans un premier temps à 20 % mais l’idée est de descendre à 15 %, 10 % voire 8 % dans les prochains mois », a détaillé le député Inaki Echaniz, co-auteur du texte a députée finistérienne Annaïg Le Meur. La loi va désormais obliger les propriétaires de meublés de tourisme à se déclarer sur un téléservice qui sera disponible à partir de 2026. Les élus disposeront ainsi d’une image réelle du parc sur leur territoire.  

« C’est vraiment un outil qu’il nous manquait et qu’il faut désormais se l’approprier », s’est félicité Alain Chrétien, maire de Vesoul (Haute-Saône) et co-président de la commission Tourisme de l’Association des maires de France (AMF).

« Jusqu’à maintenant, la fiscalité était un pousse-au-crime »  

La loi revoit aussi les obligations en matière de performance énergétique des meublés de tourisme : les loueurs de courte durée devront établir un diagnostic de performance énergétique (DPE) de la même façon que les loueurs de longue durée.

De plus, le texte revoit la fiscalité des meublés de tourisme non classés, avec un abattement fiscal qui passe de 50 % à 30 %, dans une limite de 15 000 euros. Les meublés classés et les chambres d’hôtes bénéficieront quant à eux d’un abattement plus avantageux mais réduit (50 % au lieu de 71 %). « Jusqu’à maintenant, la fiscalité était un pousse-au-crime mais le travail n’est pas fini ! », a déclaré l’élu basque.

« Trois dimensions doivent être prises en compte » nuance la ministre déléguée au tourisme

Alors que le secteur du tourisme représente en France 7,5 points de PIB, 2 millions d’emplois et 200 milliards d’euros de recettes, l’ancienne députée de Savoie (MoDem) et secrétaire d’État au numérique du Gouvernement de Gabriel Attal met toutefois en garde : « Il faut faire attention aux équilibres, des enjeux disparates et les situations étant très différentes d’un territoire, comme la Vallée alpine qui dispose de plus de 80 % de résidences secondaires, à l’autre, comme des communes rurales, qui en ont moins de 5 %. »

Lors de l’examen du texte, des voix ont rappelé la nécessité d’un équilibre, souligne également la ministre. La loi redonne à l’élu local des clés pour mieux aménager sa commune. « Trois dimensions doivent être prises en compte : la nécessité de loger les personnes qui vivent du tourisme, celle de maintenir une offre d’hospitalité touristique de qualité, à la hauteur des attentes, et l’acceptabilité de l’activité touristique, qui passe avant tout par la question du logement. »

Enfin, Vincent Montrieux, adjoint au directeur de l’Urbanisme, de l’habitat et des paysages (Dhup) a précisé aux élus : « Il faut que les collectivités locales se saisissent de la servitude de résidence principale, elle est une réponse véritablement opérationnelle pour préserver les logements. Nous accompagnerons les modifications simplifiées des PLU nécessaires, en six à huit mois. »

À Annecy, « on ne peut plus loger les habitants »

« En 2021, un tiers des constructions sur notre territoire ont profité à des investisseurs qui avec l’appui des banques le louent en courte durée. 60 % des meublés de tourisme sont concentrés sur le vieil Annecy, témoigne Sophie Garcia, conseillère municipale déléguée au logement abordable et à la mixité sociale d’Annecy (Haute-Savoie), ville qui accueille jusqu’à trois millions de touriste par an. Cela représente près de 3 500 résidences secondaires en meublés touristiques, ce qui équivaut à trois ans de production de logement ! Au final, face à l’inflation des prix des loyers et des nuisances, on ne peut plus loger les habitants. » 

« Au moment, où l’on achève notre Plan local d’urbanisme communal intercommunal (PLUi) qui regroupe 34 communes, il va nécessiter de définir ces périmètres concernés », a signalé l’élue savoyarde. 

Par Sébastien Chabas