One Big Beautiful Bill : « Quand l’Amérique creuse sa dette, l’Europe ferait bien de lire entre les lignes », Fidel Martin
« One Big Beautiful Bill » : une onde de choc qui dépasse largement les frontières des États-Unis. Fidel Martin, Président d’Exoé, décrypte les effets domino de cette relance à l’américaine, les risques pour les marchés européens et la nécessité pour l’Europe de sortir de sa torpeur budgétaire.

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© Exoé
Fidel Martin, Président d’Exoé
Donald Trump l’avait promis : ce serait beautiful, huge, incredible. Il a tenu parole.
Pour célébrer l’Independence Day, le Congrès américain a voté une réforme fiscale d’une ampleur rarement vue depuis Reagan. Baptisée avec emphase One Big Beautiful Bill, elle empile baisses d’impôts, coupes budgétaires et relances tous azimuts. À première vue, un rêve libéral. En réalité ? Une machine à cash pour les plus riches, un pari risqué sur la croissance future… et une onde de choc qui n’épargnera pas les marchés européens.
L’Amérique choisit la relance coûte que coûte
Au cœur de la réforme : une baisse massive de l’impôt sur les sociétés, un allègement de l’impôt sur le revenu pour les plus aisés, et une cascade de crédits d’impôts. Objectif : dopage immédiat de la consommation et du marché actions.
Mais ce cocktail explosif est financé… à crédit. Le déficit fédéral devrait dépasser les 2 000 milliards de dollars dès 2026. Pour Washington, ce n’est plus un problème. La dette ? Un outil politique. Un levier de puissance. L’Amérique s’endette avec l’arrogance de ceux qui savent que le monde entier continue, pour l’instant, d’acheter leurs bons du Trésor.
Une leçon pour l’Europe ? Oui, mais pas celle qu’on croit
La tentation est grande pour certains économistes européens d’y voir un modèle : une fiscalité plus simple, plus directe, plus pro-business. Mais à quel prix ? L’Europe n’a ni le dollar comme monnaie refuge, ni la même tolérance politique au déficit.
Et surtout, elle n’a pas la même culture du risque. Là où Trump joue avec la dette publique, la zone euro reste engluée dans une prudence budgétaire trop souvent stérile. L’Union s’interroge encore sur ses règles de stabilité pendant que les États-Unis injectent des centaines de milliards dans leur économie.
Les marchés ? Déjà en train de s’ajuster
Je le constate tous les jours : les investisseurs anticipent. Le dollar se renforce à court terme, les valeurs cycliques américaines repartent à la hausse, les actifs refuges s’effritent, et les taux longs remontent. Mais l’embellie pourrait être de courte durée : si l’inflation redécolle ou que la Fed resserre trop vite, l’euphorie pourrait vite céder la place à une correction sévère.
Et que fait l’Europe pendant ce temps ? Elle regarde passer le train. Pire : elle en subit les secousses sans en tirer les leviers. Pour les gestionnaires d’actifs, il est urgent de repenser l’allocation internationale, de se préparer à une volatilité accrue et de ne pas se laisser hypnotiser par le mirage américain.
Entre fascination et lucidité
La One Big Beautiful Bill n’est pas un simple événement fiscal : c’est un acte politique, économique et symbolique. Trump redessine les contours du capitalisme américain à sa manière, brutale, spectaculaire, électoraliste.
Mais que cela nous serve de signal d’alarme. L’Europe ne peut plus se contenter d’observer. Elle doit réinventer sa propre vision de la croissance, en assumant des choix forts, en osant une fiscalité incitative, mais surtout cohérente.
Car à force de regarder Wall Street en espérant un miracle, on risque d’oublier que notre avenir économique ne viendra pas d’une copie carbone du modèle américain. Il viendra de notre capacité à inventer le nôtre.