Harcèlement sexuel au travail : Ce que dit la loi

Alors que le monde de la publicité est rattrapé à son tour par la vague MeToo avec l’affaire Havas Paris, il est important pour les entreprises de connaitre la nouvelle définition du harcèlement sexuel du code du travail.

Harcelement

© adobestock

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La vague Mee Too n’en finit pas de faire des dégâts. Après les dernières révélations sur PPDA, elle déferle actuellement dans le monde de la publicité avec la mise à l’écart des dirigeants d’Havas Paris. Que repproche t-on à Julien Carette et Christophe Coffre, respectivement PDG et président-directeur de la création de l’agence de publicité ? Quels sont les changements à prendre en compte pour les entreprises rattrapées par la vague MeToo ? Mettre en place un audit, comme Havas vient de faire, peut-il être une première étape, et comment aller plus loin ? Les Experts SVP répondent aux questions que vous vous posez

Le monde de la publicité rattrapé par la vague Me Too

Avec la mise « en retrait » des deux co-présidents d’Havas Paris, après des accusations de harcèlement et d’agressions sexuelles, le monde de la communication est secoué à son tour par la vague Me Too. Visés par une série de témoignages anonymes publiés sur le compte Instagram « Balance ton Agency » (BTA), Julien Carette et Christophe Coffre, respectivement PDG et président-directeur de la création d’Havas Paris, « ont souhaité se mettre en retrait » . Les deux cadres continuent de travailler, a confirmé lundi un dirigeant du groupe Havas, filiale de Vivendi, mais « ils n’animent pas de réunions et sont en retrait pour tout ce qui est management de l’agence« .

Depuis près d’une semaine, le compte BTA multiplie les témoignages sur l’ambiance sexiste régnant au sein d’Havas Paris et sa déclinaison dans l’évènementiel Havas Events, deux sociétés qui représentaient un chiffre d’affaires cumulé de plus de 160 millions d’euros en 2019 (avant la crise sanitaire), selon les publications légales.

Les deux dirigeants, aux manettes de l’agence depuis une dizaine d’années, sont accusés d’avoir cherché à « embrasser » ou « toucher » à de multiples reprises des collaboratrices parfois stagiaires, dans les locaux de l’entreprise ou lors d’événements extérieurs. « JC (Julien Carette), c’est un type brillant mais il a la sexualité d’un ado. (…) Sous couvert d’être saoul, après deux verres, il saute sur tout ce qui bouge. Pareil pour le DC (directeur de création) d’Havas Events. Je me souviens de prévenir les stagiaires de ne surtout pas les approcher lors des soirées agence« , affirme l’un de ces témoignages. « Commentaires sur toutes les tenues vestimentaires, mains sur l’épaule et la taille, bises très proches de la bouche, je l’évitais et ne redoutais qu’une chose, me retrouver face à lui« , raconte une ex-collaboratrice à propos de Christophe Coffre. D’autres se souviennent à son propos d’un geste simulant un acte sexuel et de propos déplacés.

La fin d’une époque…

Une ex-collaboratrice, stagiaire au moment des faits, a raconté à l’AFP avoir reçu pendant 6 mois des SMS répétés de Christophe Coffre. « Plus je lui disais non, plus ça l’excitait. (…) Tout le monde disait: +Ah c’est la nouvelle victime de Christophe+. (…) C’était l’ambiance d’Havas, tout tournait autour du sexe, c’était extrêmement malsain« , se remémore-t-elle.

Les faits remontent jusqu’à 10 ans et ont souvent conduit à des départs associés à des accord de non-divulgation, indique à l’AFP Anne Boistard, créatrice du compte Balance Ton Agency, qui dénonce depuis 2020 les dérives des agences de communication.

« Tout le monde le savait et tout le monde le sait« , poursuit-elle, évoquant « une trentaine » de victimes présumées.  « C’était su et couvert depuis longtemps par le groupe« , dirigé par Yannick Bolloré, fils du principal actionnaire de Vivendi Vincent Bolloré, renchérit auprès de l’AFP une autre ex-collaboratrice d’Havas Paris. Selon elle, il ne s’agissait toutefois « pas d’une culture d’entreprise » mais d’écarts de conduite d’individus qui se sentaient « un peu intouchables« . « C’était aussi une époque où c’était permis et on est à la fin de cette époque« , a-t-elle poursuivi.

« On parle d’une vingtaine de personnes qui se sont exprimées dans une agence qui a vu passer près de 4.000 salariés« , relève pour sa part le dirigeant d’Havas interrogé par l’AFP.

Le secteur de la publicité est régulièrement secoué depuis 2019 par des vagues de dénonciations de harcèlement et violences sexistes, des pratiques délétères autrefois courantes et dont il peine à se détacher.

Le fondateur de l’agence Buzzman, Georges Mohammed-Chérif, avait été accusé de comportements déplacés dans un article du Monde, peu avant le rachat de son agence par Havas. Des accusations avaient également visé l’agence Marcel, filiale de Publicis, ou l’agence indépendante Herezie qui avait écarté son directeur de la création. En 2020, Laurent Habib, ex-dirigeant d’Havas et alors président de l’association des agences-conseils en communication, avait annoncé sa démission du syndicat qui regroupe 200 entreprises du secteur, après avoir été également épinglé par le compte BAT. Le secteur s’est accordé un an plus tard sur un accord de branche sur le harcèlement au travail et les violences sexistes.

Quelle est la nouvelle définition du harcèlement sexuel suite à la loi Santé ?

La définition donnée par l’article L.1153-1 du Code du travail est la suivante : 

“Aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

Le harcèlement sexuel est également constitué :

a) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;

b) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers”.

Le Code du travail intégrait déjà la prohibition des agissements sexistes sous l’angle “égalité hommes/femmes”. Il s’agit de tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Il s’agit par exemple de remarques et blagues sexistes, ne pas donner ou couper la parole d’un collègue en raison de son sexe, appeler une femme “ma jolie” ou “ma mignonne”.

Désormais, les propos et agissements à connotation sexiste peuvent caractériser des faits de harcèlement sexuel. En outre, la nouvelle définition intègre le harcèlement par plusieurs personnes sans nécessité de répétitions des faits par chacune d’entre elles.

Quels sont les moyens de prévention du harcèlement que peut mettre en place l’employeur ?

Dans le cadre de son obligation de santé et de sécurité, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les agissements de harcèlement, moral et/ou sexuel, et les sanctionner (articles L. 1152-4 et L. 1153-5 du Code du travail).

Pour agir efficacement, il convient en premier lieu de sensibiliser les salariés à ce sujet. Cette sensibilisation passe par la communication, la formation et l’information. 

La prévention doit être assortie d’actions sur le terrain disciplinaire. Pour pouvoir les mettre en oeuvre, il convient d’élaborer une procédure de signalement puis une procédure d’intervention.

Les interlocuteurs auprès desquels les salariés s’adressent doivent être formés afin que les procédures de signalement et d’intervention soient efficaces. Il s’agit notamment des membres du CSE, des référents désignés dans les entreprises d’au moins 50 salariés et du personnel d’encadrement.

Quelle réaction doit avoir l’employeur ayant connaissance de faits de harcèlement ?

 Une fois le signalement effectué, l’employeur doit prendre toute mesure afin de mettre un terme à la situation de harcèlement. 

Le Code du travail ne prévoit pas de procédure particulière.

A la suite d’une dénonciation, l’employeur doit mener une enquête afin d’établir la preuve du harcèlement. Cette enquête peut être menée à l’insu du salarié et/ou en interne, avec par exemple les élus et le manager ou être réalisée par un organisme extérieur. 

L’objectif de l’enquête ici est de recueillir le plus d’éléments possibles afin de caractériser la situation et de dire si oui ou non il s’agit d’une situation de harcèlement. 

Pour ce faire, il convient de mener plusieurs entretiens avec les différents concernés :

  • La victime présumée,
  • La personne à l’origine du signalement lorsqu’elle n’est pas la victime,
  • La personne mise en cause,
  • Les possibles témoins (collègues)

Les entretiens doivent être menés en toute confidentialité, être individuels, et se dérouler sans intimidation. A l’issue de chaque entretien, un compte rendu devra être rédigé avec détail et daté.

En parallèle de l’enquête et suivant le contexte, une médiation peut être menée afin de ne pas dégrader davantage la situation (article L1152-5 du Code du travail). Le médiateur est soit interne (par exemple le référent contre le harcèlement ou un membre de la CSSCT) soit externe (par exemple par le biais d’un cabinet qui accompagne l’entreprise dans l’enquête).

Si les faits de harcèlement sont avérés, l’auteur du harcèlement est susceptible d’être sanctionné.

Que risque le salarié qui harcèle ?

 En application du règlement intérieur de l’entreprise, le salarié auteur des faits de harcèlement pourra faire l’objet d’une sanction disciplinaire. 

Même en cas de faits avérés, l’employeur doit respecter la procédure disciplinaire habituelle. Il aura donc un délai de deux mois pour agir à compter du jour où il a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés.

Selon la gravité des faits, l’employeur peut agir immédiatement en mettant à pied l’auteur de manière conservatoire et ainsi éviter les possibles pressions à l’encontre de la victime et/ou témoins.

En termes de sanction, la Cour de cassation a admis à plusieurs reprises que les faits de harcèlement pouvaient caractériser un licenciement pour faute grave. Toutefois, pour aller jusqu’à cette sanction, il faudra être en mesure de prouver la gravité des faits et l’impossibilité de maintenir le salarié dans l’entreprise. C’est pourquoi il est nécessaire de recueillir le plus d’éléments possibles afin de caractériser correctement les faits reprochés et ainsi sanctionner en conséquence l’auteur des faits.

Au niveau pénal, les faits de harcèlement sont sanctionnés d’une amende de 30 000 euros et de 2 ans d’emprisonnement au maximum

De plus, le salarié victime de faits de harcèlement peut également réclamer des dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi. Il peut engager une procédure à l’encontre de l’auteur du harcèlement mais aussi de son employeur s’il estime que celui-ci est également responsable du préjudice subi.

L’employeur doit-il modifier son règlement intérieur suite à cette nouvelle définition ?

 La loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail vient compléter la définition du harcèlement sexuel (Art. L.1153-1 du Code du travail).

Le Code du travail prévoit que le règlement intérieur doit contenir les dispositions du code du travail relatives aux harcèlements moral et sexuel et aux agissements sexistes (Art. L. 1321-2 du Code du travail). Dès lors, pour se mettre en conformité avec la loi, l’employeur doit mettre à jour son règlement intérieur qui doit comporter les dispositions actualisées sur le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

Deux situations sont à distinguer :

  • Soit l’employeur ne fait référence qu’aux articles du Code du travail relatifs au harcèlement sexuel dans son règlement intérieur et dans ce cas, il n’a pas besoin de le modifier ;
  • Soit l’employeur a repris le texte de l’article du Code du travail dans le règlement intérieur et dans ce cas il devra le modifier pour le mettre en conformité avec la nouvelle version dudit article.  

Si l’employeur doit modifier le règlement intérieur, il devra :

  • Préciser la date de son entrée en vigueur, postérieure d’un mois à l’accomplissement de la dernière des formalités de dépôt ;
  • Le soumettre à l’avis des représentants du personnel ;
  • Le communiquer, pour contrôle, en deux exemplaires à l’inspection du travail accompagnée du procès-verbal de la réunion au cours de laquelle les représentants du personnel ont été consultés ;
  • Le déposer au greffe du conseil de prud’hommes ; 
  • Et, le porter à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l’embauche. 
Par MySweetImmo avec AFP