Immobilier Bilan 1er semestre (Laforêt) : Un marché résilient mais en voie d’atterrissage
Laforêt Immobilier présente so bilan du 1er trimestre et Yann Jéhanno, son président, fait le point sur un certain nombre d’incertitudes qui pèseront sur le 2e semestre.
Après une année 2021 historique, 2022 se présente comme une année résiliente. Le besoin en logements s’affirmant comme une valeur constante, la tendance s’oriente vers un retour à la normale même si, localement, le marché se révèle fragmenté. La pierre conserve la confiance des ménages, dans un contexte d’inflation et d’incertitudes économiques, grâce à des conditions d’emprunt toujours favorables. D’autant que l’immobilier neuf reste contraint par le manque de mises en chantier, la hausse des coûts de construction et la pénurie de matières premières. Malgré un important volume de transactions au 1er semestre, porté par le duo « maison/région.
Des intentions d’achat toujours en hausse
Au cours du 1er semestre 2022, le nombre de nouveaux acquéreurs progresse encore, bien que la hausse soit moins spectaculaire que lors des 3 dernières années records. Au national, les intentions d’achat augmentent de 2 % par rapport au 1er semestre 2021, preuve que l’immobilier reste au cœur des projets de vie des Français. La progression est identique en régions. Et, tandis que l’Île-de-France affiche seulement +1 %, Paris reprend des couleurs (+7 %). Les Français renouvellent clairement leur confiance dans la pierre, valeur refuge qu’ils continuent à privilégier pour se loger, se constituer un patrimoine ou dégager un complément de revenus. Ni la guerre aux portes de l’Europe ni les élections présidentielles ou législatives ne semblent perturber les acquéreurs. Ces derniers se montrent en revanche de plus en plus pointilleux. La situation du bien et ses qualités intrinsèques sont étudiées attentivement par des acheteurs qui préfèrent miser sur des valeurs sûres. Pour ce qui est de la répartition, ce sont les maisons, une fois de plus, qui profitent tout particulièrement de cette tendance haussière, avec +6 % de demandes enregistrées par rapport au 1er semestre 2021 contre « seulement » 1,5 % pour les appartements.
Une offre qui peine à se reconstituer sur un marché sous pression
Du côté des ventes, la rareté des biens met le marché sous pression. L’offre continue de régresser au national (-2 %) et ne parvient pas à se reconstituer pour répondre à la hausse constante de la demande observée ces dernières années. Certains projets de mise en vente ont de surcroît été contrariés lors du rebond épidémique de ce début d’année.
Plus nuancée à Paris (-1 %), la baisse s’avère très forte en régions (-4 %). Seule l’Île-de-France échappe à la tendance, affichant une légère reconstitution de ses stocks (+6 %) qui repose en quasi-totalité sur les appartements et se concentre sur la première couronne pour l’essentiel. La stigmatisation des logements F et G, soutenue par le législateur qui interdira prochainement leur location, a fini par porter ses fruits : les mises en vente de ces biens ont progressé de 9 % par rapport au 1er semestre 2021. Certains propriétaires, qui ne souhaitent pas entreprendre des travaux de rénovation parfois conséquents, s’empressent de mettre leur logement en vente.
Volume de transactions : les secundo-accédants prennent les commandes
Les transactions atterrissent (-2,7 % au niveau national). On observe toutefois un recul plus sensible au 1er trimestre, lié à la reprise pandémique de janvier, suivi d’un rattrapage au 2e trimestre. Les transactions se stabilisent ainsi à la fin du semestre à un niveau élevé. La capitale profite pleinement de ce rebond (+9 %), après deux années compliquées. Les départs vers les régions se sont finalement avérés ponctuels dans leur grande majorité et les Parisiens sont de retour. En Île-de-France, la tendance est à la baisse, avec des transactions inférieures de 4 % par rapport à la même période l’an dernier. La petite couronne, notamment, marque le pas au profit de la grande qui propose des prix plus attractifs et une offre plus large de maisons individuelles. Toutefois, ce report n’a pas suffi à absorber la pause qui s’est opérée sur la première couronne. Les régions, quant à elles, résistent avec des transactions qui baissent sensiblement de 2,8 %, sans qu’il y ait encore d’impact sur la hausse des prix qui se poursuit.
Par ailleurs, alors que les primo-accédants représentaient plus de la moitié des acquéreurs sur le marché de l’immobilier ancien durant les dernières années, ils ne sont plus au 1er semestre 2022 que 33 %. La hausse continue des prix depuis deux ans rend l’accès au crédit plus compliqué. Il faut produire davantage de preuves de solvabilité, mais aussi des apports plus conséquents. Cette situation privilégie les secundo-accédants, qui profitent de la vente de leur logement pour financer le suivant. Ils représentent actuellement 40 % des transactions et sont motivés par l’acquisition de logements plus grands ou disposant d’un extérieur.
Les investisseurs sont, eux, à l’origine de 21 % des transactions, dans un contexte d’incertitude sur les retraites. Face à des places boursières et à des monnaies alternatives très volatiles, les Français se tournent vers l’investissement locatif, qui demeure l’un de leurs placements favoris. Les résidences secondaires connaissent un certain succès, représentant 6 % des transactions. Un intérêt qui existait déjà avant la crise sanitaire, mais qui est en progression depuis avec la généralisation du télétravail.
Des prix en forte hausse : les régions en tête du classement
Les prix moyens au m² sont en forte progression au national (+5,8 %), à 3 456 €/m², mais surtout en régions (+8 %), à 2 494 €/m² : du jamais-vu ! Dans le contexte d’extrême rareté de l’offre, les mécanismes classiques de l’économie de marché jouent à plein : un nombre d’acquéreurs supérieur au volume de biens à vendre entraîne mécaniquement l’augmentation des prix. Ces derniers sont en outre tirés par les maisons (+8,5 %), tandis qu’ils ne progressent pour les appartements « que » de 4,3 %. Après une baisse constante depuis plusieurs mois dans la capitale (-1,5 %), qui est toutefois à comparer avec les -1,7 % du 1er trimestre 2022, les prix se redressent, avec un prix moyen au m² de 10 352 €/m².
À l’exception de 4 arrondissements (13e, 18e, 19e et 20e), tous les autres affichent un prix moyen au m² de plus de 10 000 €/m2 . Avec le retour des acquéreurs dans la capitale, un rebond n’est pas à exclure. Enfin, l’Île-de-France voit ses prix augmenter de 3,2 %, à 4 544 €/m² .
Dans le détail, les villes moyennes continuent de profiter de la reprise et affichent une nette hausse. Cette forte dynamique illustre les envies d’espace, de nature et de littoral des Français, à l’image de Lorient (56), qui voit ses prix progresser de 6,5 %, Hyères (83) de 8,3 % ou encore Auxerre (89) de 6,7 %. L’étiquette énergétique, qui ne joue plus exclusivement un rôle informatif, a désormais elle aussi une répercussion sur les prix. Les acquéreurs sont en effet plus regardants sur le budget qu’ils sont prêts à accorder aux travaux de rénovation. Aussi se montrent-ils particulièrement attentifs aux problématiques techniques : chauffage, isolation, qui peuvent vite se chiffrer en dizaines de milliers d’euros.
De manière globale, ces niveaux de prix élevés sont défavorables aux revenus les plus modestes, ainsi qu’aux actifs de moins de 35 ans, qui n’ont souvent d’autres choix pour acheter que de diminuer la surface souhaitée ou de se déporter de la localité qu’ils convoitaient initialement. Face à la hausse des carburants, les déplacements et les trajets domicile-travail pèsent de manière significative sur le reste à vivre et modifient aussi les projets.
Le retour des négociations impose de nouvelles règles
Dans un contexte de marché qui se détend mais qui reste très déséquilibré avec une demande supérieure à l’offre, les délais sont, partout en France, inférieurs à 3 mois (82 jours en région). Ils ont cependant continué à s’allonger à Paris, pour atteindre 78 jours contre 68 jours en Île-de-France. On observe ainsi un premier point d’inflexion : l’urgence ne semble plus prévaloir dans les décisions d’achat. Cela se traduit notamment par le retour des négociations, un peu partout dans l’Hexagone. L’écart entre le prix de mise en vente et le prix d’achat s’établit ainsi au national à 4,70 % en moyenne, soit 0,35 point de plus qu’au 1er semestre 2021. Il est de 4,95 % en régions (+0,25 point), de 3,50 % à Paris (+0,45 point) et de 3,55 % en Île-de-France (+0,60 point). Sur un marché haussier, les acquéreurs négocient le moindre défaut. Ils ont également davantage d’exigences en ce qui concerne l’implantation géographique, l’orientation, la luminosité, l’isolation ou les équipements présents dans le logement. Les vendeurs qui ne sont pas prêts à entendre ces exigences devront pourtant s’y faire, car les négociations semblent s’installer.
Des incertitudes pèsent sur le second semestre 2022
« Malgré un début d’année à la peine, le 1er semestre termine fort avec des prix qui progressent encore et un important volume de transactions, même si l’atterrissage semble amorcé« , conclut Yann Jehanno, président du réseau Laforêt. Un certain nombre d’incertitudes pèsent sur le 2e semestre, dont la teneur dépendra de plusieurs paramètres. En premier lieu, l’appétence pour l’immobilier. Si la pierre reste une valeur refuge, les Français ne sont pas prêts, pour autant, à tout lui sacrifier. Face à la hausse des prix de l’énergie, la soif d’espace et de nature sera-t-elle la plus forte ? D’ores et déjà, on observe un retour des familles sur le marché des appartements de centre-ville. La progression des prix sur les territoires ruraux et périurbains conjuguée à la hausse des prix de l’énergie pourrait peser sur la demande.
Le financement est le deuxième point d’attention. Face à des conditions d’octroi de prêts toujours plus restrictives et à des taux d’intérêt qui remontent et pourraient dépasser 2 % voire atteindre 3 %, les Français subissent la double peine. Certains n’auront d’autre choix que de remettre leur projet d’acquisition à plus tard. Les banquiers et l’État doivent dès aujourd’hui trouver des solutions pour solvabiliser les ménages les plus exposés. Or, ce sujet a été étonnamment oublié des débats de la présidentielle et des législatives. L’absence d’un ministre de plein exercice dédié au logement dans le nouveau gouvernement n’est pas plus rassurante.
Autre questionnement : le rôle que joueront les nouvelles réglementations énergétiques sur les mises en vente. Calendrier qui met sous pression les propriétaires bailleurs, aides publiques insuffisantes, hausse du prix des matériaux, filière de rénovation sous-dimensionnée… L’ambition du législateur autour de la rénovation énergétique des passoires thermiques se heurte à de nombreux obstacles et semble, dans ses échéances, totalement irréaliste. Faute de moyens suffisants, la transition énergétique risque ainsi d’aggraver la pénurie immobilière.