Immobilier et Lutte contre le blanchiment des capitaux : Ce qu’il faut retenir de la dernière Analyse Nationale des Risques (ANR)
La nouvelle Analyse Nationale des Risques (ANR) adoptée par le Conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (COLB) et datée janvier 2023 identifie les principales menaces et vulnérabilité dans le secteur immobilier auquel est consacré son chapitre 12. Quelques points importants ou illustrant à retenir.
Lorsqu’un professionnel de l’immobilier est impliqué dans une transaction d’achat ou de vente d’un bien, il doit respecter des obligations de prévention contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Cela l’oblige à demander certaines informations à ses clients afin de se conformer aux réglementations en vigueur. Le point sur la nouvelle version de l’analyse nationale des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme adopté par le Conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (COLB).
Les menaces LCB/FT spécifiques au secteur immobilier
L’ANR revient sur les menaces LCB/FT spécifiques au secteur immobilier, à savoir :
- le risque d’escroqueries via l’utilisation de faux documents (identité, fiches de salaire) dans des demandes de prêts immobiliers bancaires ;
- le risque de fraude fiscale lié à des dispositifs propres à l’immobilier (par exemple, les certificats aux économies d’énergie concernant les aides à la rénovation de bâtiment, le dispositif « Girardin logement social » qui vise à réduire la fiscalité des investisseurs en logement social) ou encore au procédé consistant à sous-évaluer le prix de vente et à compenser la différence de prix par un dessous de table afin de diminuer l’assiette d’imposition ;
- le risque de « bien mal acquis », c’est-à-dire d’acquisitions immobilières financées au moyen de détournements de fonds publics ou d’infractions assimilées commis à l’étranger par de personnes politiquement exposées
L’appréciation des « vulnérabilités » du secteur immobilier
Attention aux caractéristiques du bien et aux modes d’acquisition et de financement
Les caractéristiques du bien, les modes d’acquisition de financement, dont certains peuvent viser à opacifier la transaction, ont une influence sur le niveau de vulnérabilité. Ainsi :
- le secteur des biens résidentiels de luxe est particulièrement vulnérable aux menaces de blanchiment de capitaux en raison des montants importants des transactions, de la volatilité des prix de vente et de l’absence de référentiel permettant de vérifier la cohérence des prix dans ce domaine ;
- le secteur de l’immobilier commercial et professionnel peut faire l’objet d’opérations de blanchiment ;
- les opérations de Vente en Etat Futur d’Achèvement (VEFA) qui, avec un règlement du prix d’acquisition au fur et à mesure de l’avancée des travaux de construction, peut, dans certains cas, favoriser le blanchiment dans la mesure ou la cohérence entre l’acquéreur et l’émetteur des fonds est peu contrôlée ;
- la rénovation des biens immeubles par des entreprises du BTP qui peut permettre la réalisation de travaux acquittés en tout ou partie avec des fonds d’origine illicite et/ou en espèces ;
- certaines opérations de prêt entre particuliers ou personnes morales qui peuvent interpeller sur leur logique économique, ou leurs conditions (taux de prêt supérieur à ceux du marché), de même que les « prêts à soi-même » via une ou des entités où le prêteur et l’emprunteur sont une même personne ;
- plus généralement, l’ensemble des montages complexes qui visent à opacifier l’identité du bénéficiaire réel de la société via l’interposition de multiples sociétés écrans : les SCI peuvent être un vecteur de l’opacification mais ne constituent pas en tant que tel un élément d’alerte.
Attention aux caractéristiques géographiques
La vulnérabilité peut aussi dépendre de certaines caractéristiques géographiques :
- les zones frontalières sont par définition des zones à fort risque de fraude car lieu naturel de passage pour des trafics entre deux Etats n’ayant pas les mêmes dispositions réglementaires, fiscales ou pénales ;
- les zones d’outre-mer qui disposent d’un parc de biens immobiliers de prestige important. Leurs situations économiques et sociales peuvent être favorables à l’émergence de la criminalité locale et aux activités de blanchiment associés ;
- la Corse reste un territoire sensible en termes de criminalité et plusieurs dossiers ont mis en évidence du blanchiment via le secteur immobilier.
Attention aux acteurs de la transaction immobilière
Selon l’ANR, la vulnérabilité dépend également des acteurs de la transaction immobilière. Si toutes les transactions immobilières, à l’exception des cessions de parts de sociétés civiles immobilières, requièrent l’intervention d’un notaire, l’intervention d’un professionnel en amont de l’opération est facultative.
Une part non négligeable des transactions immobilières (31 %) est réalisée de gré à gré, sans l’intervention d’un agent immobilier, notamment via des plateformes ou des start-ups conçues à cet effet et non assujetties aux obligations de vigilance LCB-FT.
Enfin, l’achat par une personne tierce, ou « homme de paille », n’est pas une vulnérabilité propre au secteur immobilier mais celui-ci y est sensiblement exposé. A ce titre, l’existence dans le compromis de vente d’une clause de substitution, qui peut permettre à l’acquéreur final de n’être identifié que lors de la signature de l’acte définitif de vente, doit constituer un critère d’alerte important pour les professionnels.
Les critères d’alerte mis en avant par l’ANR
Le premier tient au profil de client : il exerce dans un secteur caractérisé par une forte circulation d’espèces (BTP, restauration, téléphonie, etc.) et ses revenus déclarés sont peu importants en proportion de son apport personnel. Autre cas : il existe une discordance entre le profil (jeune âge, revenus et milieu social) et la valeur du bien immobilier. Il peut aussi s’agir de clients étrangers aux revenus importants (notamment les PPE) ou d’acquéreurs et de vendeurs entretenant des liens familiaux ou personnels.
Le second s’attache aux caractéristiques de l’opération : rapidité des opérations immobilières sur un même bien ; annulations subites d’achats immobiliers entraînant une restitution des sommes versées en acompte auprès du professionnel ; incohérence entre le montant de la transaction et le prix du marché ; origine des fonds (prêt entre particuliers ou fonds en provenance d’un pays à faible législation de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme).
En dépit des mesures d’atténuation mise en œuvre avec l’encadrement de l’exercice de la profession d’agent immobilier, les contrôles diligentés par la DGCCRF et, aussi, l’accès au registre des bénéficiaires effectifs (RBE) pour les professionnels assujettis, l’ANR considère que le risque de blanchiment reste élevé. Il l’est encore davantage pour certaines transactions portant sur des biens de luxe localisés dans le centre de Paris, sur la Côte d’Azur ou en outre-mer.
A lire et à écouter
De la nécessité de sensibiliser notaires et agents immobiliers
Signalons, pour finir, que l’ANR relève, à propos des notaires également soumis au dispositif LCB/FT, les initiatives prises par le Conseil Supérieur du Notariat : des actions de formation ou de sensibilisation, mise à disposition d’outils pratiques (fiche numérique de vigilance de 1er niveau, questionnaire interactif de vigilance, mémento et une rubrique intranet dédiée).
Une application encore plus avancée est désormais à la disposition des agents immobiliers : le Registre LCB/FT de MODELO. En souscrivant à cette option, l’agence immobilière peut se doter d’une procédure interne conforme au dispositif de Lutte Contre le Blanchiment d’argent et le Financement du Terrorisme aussi simple qu’intuitive : il suffit de se laisser guider en répondant aux questions, l’application se charge du reste, y compris de la consultation de nombreuses bases externes (Registre national du gel des avoirs, RCS, Registre des bénéficiaires effectifs, Base DowJones des PPE, etc.) auquel le Registre est connecté.
Et en cas de contôle DGCCF, l’agence pourra produire immédiatement l’historique de vos vérifications et des justificatifs utiles. Le Registre LCB/FT a été réalisé avec le concours de l’assureur Galian et de Maître François BLANGY, Avocat au Barreau de PARIS, Associé Gérant du Cabinet CORDELIER & ASSOCIES.