Crise de l’immobilier : La baisse des prix ne compense pas la hausse des taux

De nombreux Français ne sont plus en mesure d’acheter. Pour Charles Marinakis, président de Century 21 France, pour que le marché reparte, il faudrait que les prix baissent de 10 à 12% en fonction des secteurs.

Paris

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Le nombre de transactions parisiennes recule de -14,1% sur douze mois

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La situation du marché immobilier a radicalement changé en France. Le nombre de transactions, qui n’avait cessé de croître depuis 8 ans, a considérablement baissé : -14,1% entre le 1er semestre 2022 et le 1er semestre 2023.

La hausse des taux a pesé sur le pouvoir d’achat immobilier des ménages

La faute à qui ? La faute aux crédits ! A l’origine de ce retournement de marché : l’augmentation brutale des taux d’intérêt, conjuguée à une forte inflation, a profondément pesé sur le pouvoir d’achat immobilier des ménages. Celui-ci a reculé de -18,4%, par rapport à juillet 2022.

Pour compenser l’atrophie de l’enveloppe financière mobilisable par emprunt, seules deux possibilités existent : la baisse des prix ou la hausse de l’apport personnel. Or, les prix peinent à s’infléchir : ils augmentent même de +0,9% pour les maisons (s’établissant à 2636 € le m², ce qui est un record historique) et diminuent légèrement pour les appartements de -1,7% pour atteindre 4198 € le m² (un niveau toujours supérieur à 2021).

Les vendeurs ne sont pas prêts à baisser leur prix

Seuls les vendeurs « contraints » par un fait de vie acceptent de revoir leur prix à la baisse pour s’ajuster aux nouvelles contraintes économiques des acquéreurs. Les vendeurs « sereins » (ceux qui ne sont pas obligés de vendre à court terme) font le choix, soit de retirer leur bien du marché, soit de le laisser au prix initialement escompté, ce qui contribue à allonger les délais de vente. Ceux-ci prennent +8 jours pour les maisons et +4 jours en moyenne pour les appartements.

L’apport personnel représente désormais près de 35% du prix d’achat du bien

Puisque la baisse des prix ne compense pas la hausse des crédits, les ménages doivent accroître leur apport personnel. Ainsi, pour acheter un bien correspondant au montant moyen d’acquisition en France, l’apport personnel nécessaire a dû augmenter de plus de 60% entre le 1er semestre 2022 et le 1er semestre 2023 et représente désormais près de 35% du prix d’achat du bien.

Mais l’apport personnel reste… très personnel justement ! Tout le monde n’est pas en mesure de fournir cet effort supplémentaire. Pour acheter, les ménages ont donc actionné un nouveau levier : la surface.

Les Français se résignent à acheter plus petit

C’est l’ironie de l’histoire… L’après COVID fut l’éloge des grands espaces, jusqu’à ce que la pression sur les prix finisse par contraindre les ménages à renoncer à plusieurs m² pour pouvoir réaliser leur projet. La superficie diminue de près de -1,6% pour les maisons et de -1,9% pour les appartements à l’échelle nationale, mais cette moyenne masque de fortes disparités au niveau régional.

Malgré cet effort consenti, toutes les catégories socioprofessionnelles n’ont pas capacité à faire face à ces nouvelles conditions de marché, et la part des employés et ouvriers parmi les acquéreurs se contracte de -7,5% France entière.

« Le souhait d’être propriétaire est toujours extrêmement présent dans le cœur des Français. Nous ne sommes pas face à un désamour de la population pour l’acquisition mais face à un désemparement des ménages devant des niveaux de prix trop élevés que les conditions de crédit ne permettent plus d’absorber. Pour que le marché reparte, il n’y a pas d’alternative possible : il faut que les prix baissent substantiellement -de l’ordre de 10 à 12% en fonction des territoires- pour compenser la hausse des crédits qui est venue désolvabiliser une partie des acheteurs », déclare Charles Marinakis, président de Century 21 France.

Des transactions en recul de 14 % dans la Capitale

L’activité, qui avait bien résisté dans la Capitale en 2022, accuse le coup et le nombre de transactions parisiennes recule de -14,1% sur douze mois. Pourtant, les prix s’ajustent à la baisse : ils ont diminué de -6,1% en un an pour s’établir durablement en-deçà du seuil des 10 000 € le m², précisément à 9843 € le m² au 1er semestre 2023, soit à un niveau inférieur à 2019.

S’ajoute à la diminution du prix au m² le fait que les Parisiens consentent à baisser légèrement la superficie du bien acheté (-0,9m²). Ainsi, le montant d’acquisition d’un bien parisien recule de -6,6% pour s’établir à 497 722 € en moyenne. Ces ajustements de prix et efforts demeurent insuffisants pour insuffler une nouvelle dynamique au marché, et les délais de vente continuent de s’allonger : ils prennent +11 jours en un an et se situent à un niveau jamais observé dans la Capitale jusqu’alors (88 jours en moyenne).

Deux catégories tirent leur épingle du jeu et voient leur proportion parmi les acquéreurs croître : les retraités passant de 5,8% à 8,6% des acquéreurs et les cadres supérieurs, qui initient à eux seuls, 47,8% des transactions parisiennes. Sans surprise, la part des employés et ouvriers s’amenuise encore pour ne représenter que 3,5% des acquéreurs.

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En Ile-de-France, les acquéreurs sont contraints de renoncer à quelques m²

Les prix s’infléchissent sur un an dans la région francilienne, de -3,9% pour les maisons et de -4,2% pour les appartements, pour s’établir respectivement à 3768 € et 4535 € le m². Et pourtant, ce n’est pas suffisant pour enrayer le ralentissement de l’activité, particulièrement fort sur le segment des appartements (-18,2%) quand le nombre de transactions sur le marché des maisons est en retrait de -11,1%.

Pour se loger, les acquéreurs franciliens sont contraints de renoncer à quelques m² et la superficie moyenne recule de -4,3 m² pour les maisons et de -2,1 m² pour les appartements. Sur ce dernier segment, la surface moyenne achetée atteint un plancher jamais observé depuis 10 ans (56,2 m²) ! Cela conduit mécaniquement à une baisse substantielle du montant moyen de la transaction, de -7,9% pour les maisons (397 864 € en moyenne) et de -8,8% pour les appartements (245 897 €).

Ces ajustements divers ne suffisent pas à fluidifier le marché et les délais de vente s’allongent considérablement en Ile-de-France, notamment pour les maisons (+21 jours), pour s’établir à 80 jours en moyenne (79 jours pour les appartements). Au sein de la région francilienne, 3 départements se distinguent par une chute d’activité supérieure à -20%.

Les Hauts-de-Seine : il s’agit ici du département le plus cher de l’Ile-de-France (hors Paris) et la baisse du prix moyen au m² de -7,6% pour les maisons et de -5,8% pour les appartements ne suffit pas à enrayer la contraction de l’activité.

Le Val-d’Oise : enregistrant un recul des prix trop timoré sur les maisons (-4,2%) et une stabilité des prix sur les appartements (+0,1%), le Val-d’Oise subit le ralentissement d’activité le plus fort de la région (-20,2% pour les maisons et -27,1% pour les appartements).

L’Essonne voit le nombre de ses transactions chuter de -20% et plus, tant sur le segment des maisons que des appartements. Et pourtant pour les maisons, l’ajustement des prix est déjà substantiel (-8,6% sur un an), mais les biens ont du mal à trouver preneurs et les délais de vente sur ce segment se sont allongés de 32 jours.

En Seine-Saint-Denis, dans le Val-de-Marne et dans les Yvelines, -départements dont l’activité recule respectivement de -12,4%, -10,9% et -10,5%-, les acheteurs font clairement le choix de réduire la superficie achetée pour pouvoir concrétiser leur projet (-8,7m² en moyenne pour les maisons de Seine Saint-Denis, -14m² pour celles du Val-de-Marne, -5,3m² pour celles des Yvelines).

Le département de Seine-et-Marne « résiste » un peu mieux que la moyenne (-6,4%) sans doute parce qu’il présente les prix les moins élevés de la région.

Par MySweetImmo