Agents immobiliers : « Nous n’avons pas su préserver nos marges en transaction ! », Jean-Marc Torrollion (FNAIM)

L’ancien président de la FNAIM Jean-Marc Torrollion livre une analyse critique de l’avis de l’autorité de la concurrence sur les honoraires des agents immobiliers. Et appelle à une réflexion sur la productivité, les honoraires, et l’avenir des professionnels de la transaction.

Jean-Marc Torrollion, Ancien président de la Fédération Nationale de l'Immobilier (FNAIM)

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Jean-Marc Torrollion, ancien président de la FNAIM

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J’ai lu avec un grand intérêt le rapport de l’autorité de la concurrence du 2 Juin 2023 sur le fonctionnement de l’entremise immobilière, ayant fait partie, pour le compte de la FNAIM,  à l’époque des personnes auditées par cette dernière.

Je rejoins Vincent Pavanello dans la nécessaire réflexion que la profession collectivement doit impulser, notamment la FNAIM,  mais je reste très dubitatif sur ses conclusions un peu hâtives concernant les honoraires.

Le taux de marge des agents immobiliers Français est l’un des plus faible d’Europe

Il y a de mon point de vue une contradiction fondamentale dans le double constat que fait l’autorité de la concurrence.

D’un côté l’autorité de la concurrence  relève ( page 63 et 64) que « les taux de commission ne traduisent pas une rente élevée » alors que d’un autre côté, dans ce même rapport la commission reproche  le coût de l’entremise en France, avec une moyenne de 5,78% TTC, l’un des plus élevé d’Europe.

Page 57 du rapport, la commission fait ce constat implacable que «l’importance de la hausse des prix des biens sur la période  entre 2016 -2022 aurait du se traduire par une chute importante du taux de commission… ». Or la dégressivité du taux de commission n’a pas joué malgré la hausse des prix. En réalité ce taux s’est même apprécié très légèrement.

L’augmentation des honoraires immobiliers et l’influence des réseaux de mandataires

Le taux de marge des agents immobiliers Français est l’un des plus faible d’Europe, alors que son taux d’honoraire est l’un des plus élevé. Ce taux de marge est de 14% en France contre par exemple 35% en Allemagne, et 46% à Malte avec des taux de commissions légèrement inferieur ou comparable aux notre.

En réalité ce taux de marge ( cumul excédent brut d’exploitation sur le cumul des chiffres d’affaire) n’a cessé de se dégrader depuis 5 ans,  malgré la croissance de l’activité.

L’autorité se garde bien de donner une explication rationnelle à ce constat, ce qui de mon point de vue décrédibilise quelque peu son analyse.

Ceux qui ont une antériorité dans le métier devraient se souvenir que la rémunération de nos collaborateurs en transaction n’a pas toujours été aussi élevée qu’actuellement.

Dans les années 90, la rémunération d’un agent commercial était de l’ordre de 40% des honoraires et pour un négociateur salarié 25% brut avec des systèmes plus ou moins sophistiqués de progressivité.

Globalement le coût de la rémunération de nos forces de vente a cru de près de 50%, quand ce n’est pas plus.

Et pour le coup, une partie de la responsabilité de cette hausse est imputable aux réseaux de mandataires dont le modèle repose sur une forte massification des forces de vente doublée d’une redistribution importante de valeur ajoutée au profit de l’auto-entrepreneur (ce qui rend ces modèles attractifs).

Les défis pour l’avenir des professionnels de l’immobilier ? Productivité et taux de marge

Nous avions pu souligner dans le rapport de la fondation « travailler autrement », que la FNAIM avait commandé sous l’autorité de Laurent Grandguillaume, que nos auto entrepreneurs n’étaient pas des travailleurs pauvres mais au contraire le métier rémunérait bien.

Or si il y a un domaine ou nous ne faisons pas de gain de productivité c’est bien celui de la transaction. Mieux, plus les honoraires sont élevés plus le nombre de transaction par tête chute.

Le nombre moyen de transaction par collaborateur est d’autant plus élevé que les honoraires sont bas en valeur.

La lucidité commande de s’interroger sur ce phénomène avant que nous y soyons contraints.

La clef de l’avenir de ce métier est dans la reconquête de notre productivité et le rétablissement d’un taux de marge convenable.

La course nécessaire à la massification de nos forces de vente, les difficultés importantes de recrutement , et l’effet disruptif du modèle de rémunération des réseaux de mandataire ont fragilisé nos entreprises qui ont redistribué massivement leur valeur ajoutée à leurs collaborateurs.

Aujourd’hui nous n’avons pas les moyens de restituer quoique ce soit au client. Le défi pour nos chefs d’entreprises est redoutable à un moment ou le marché marque une inflexion.

Par Jean-Marc Torrollion, ancien président de la FNAIM
Cette tribune exclusive a été rédigée par Jean-Marc Torrollion, ex-président de la FNAIM pour MySweetImmo.