Immobilier : « La crise n’entame pas le désir de logement », Yannick Borde
Selon une étude réalisée par Procivis, le marché immobilier reste clivé : un tiers des Français pense que c’est le bon moment pour acheter et 50% pensent le contraire… et idem pour la vente ! Mais le désir d’accéder à la propriété reste fort.
L’incertitude plane sur le marché immobilier en France alors que plus de 60 % des Français s’attendent à une dégradation de leur niveau de vie. Le marché, clivé et figé, reflète ce flou : un tiers des Français jugent qu’il est opportun d’acheter, contre 50 % qui pensent le contraire.
Pourtant, les aspirations restent fortes et stables, avec des priorités claires : déménager, devenir propriétaire et vivre en maison individuelle. Mais le nœud du problème réside dans l’accès au financement, frein majeur pour de nombreux aspirants. C’est un des principaux résultats de l’étude réalisée par Procivis et Harris Interactive auprès de plus de 10 000 personnes sur les thèmes de l’habitat, des lieux de vie et de la politique du logement en France. Décryptage par Yannick Borde, président de Procivis.
« L’aspiration à la propriété reste très élevée : année après année, il se confirme que 60 % des non-propriétaires souhaiteraient le devenir« , précise-t-il.
Un avenir bien flou
«Le pessimisme bien connu des Français n’est pas démenti par notre étude : plus de 60% d’entre eux pensent que le niveau de vie en France va se dégrader», affirme le Président de Procivis et il ajoute : « ils sont 40% à penser que ce sera le cas pour eux-mêmes. »
Concernant plus spécifiquement le marché immobilier, c’est le grand flou : exactement dans les mêmes proportions, les Français anticipent que les prix et les taux vont grimper (38%), vont baisser (27%), vont rester stables (14%) ou admettent ne pas savoir (21%).
Le marché est clivé : un tiers des Français pense que c’est le bon moment pour acheter contre 50% qui pense le contraire… et idem pour la vente ! Dans ce climat d’incertitude, le marché s’est figé.
Mais des aspirations très stables
Ce climat de défiance et d’incertitude n’affecte pas les grandes aspirations des Français en matière de logement : déménager, accéder à la propriété, vivre dans une maison sont trois piliers apparemment inébranlables.
Les scores sur ces trois dimensions présentent une remarquable stabilité. Cette année encore, plus d’un tiers des Français voudraient déménager dans les prochains mois, surtout les habitants des grandes villes. Ce qui se traduit par des démarches d’achat, elles aussi stables : 55% ont consulté des annonces, un tiers pris contact avec une agence et réalisé des simulations de crédit, 30% ont visité un bien : des chiffres identiques à ceux de 2023, après une hausse constante depuis 2020. Le marché du logement connaît une crise sans précédent, mais pas par absence de besoin ou d’envie des Français. C’est bien la question économique prix/financement qui est le nœud gordien.
Relevons simplement que la nature des recherches pour ce qui concerne l’achat a légèrement évolué : les résidences principales cèdent 3 points au profit de l’investissement locatif et de la résidence secondaire. Le resserrement du crédit a tendance à évincer les accédants.
Acheter : un objectif important voire prioritaire pour les jeunes
« L’aspiration à la propriété reste très élevée : année après année, il se confirme que 60% des non-propriétaires souhaiteraient le devenir», ajoute Yannick Borde. C’est particulièrement un objectif pour les jeunes qui n’ont pas renoncé à ce vieux rêve, contrairement à ce que certaines thèses pourraient laisser penser. En effet, 80% des moins de 35 ans en font un objectif important voire prioritaire. Dans cette catégorie, l’attrait pour le neuf ne faiblit pas : 47% des Français envisageraient en priorité d’acheter dans le neuf, au moment où l’Insee publie sa dernière note sur l’état du parc de logements et constate que celui-croît de 0,9% par an depuis 2018.
Troisième « pilier » du rêve français en matière de logement : la maison individuelle. Ce type d’habitat reste l’idéal pour 3/4 des Français, une proportion qui ne varie pas depuis 2020;
Une question plus que jamais centrale : le prix
Si les aspirations sont fixes, ce qui distingue les parcours résidentiels des uns et des autres, c’est essentiellement le prix du logement et le pouvoir d’achat des ménages.
4 Français sur 5 trouvent que la part de leur budget consacrée au logement est importante. Un chiffre qui a fortement augmenté depuis 2020 même s’il semble aujourd’hui « plafonner ». Ce sentiment est particulièrement prégnant chez les jeunes, les femmes – d’autant plus qu’elles constituent un foyer monoparental –, et les habitants des grandes villes. En cas de déménagement, 55% des sondés considèrent le critère du prix comme tout à fait prioritaire.
Une satisfaction globale mais inégale
A noter également que le prix est central dans les sentiments de satisfaction et d’insatisfaction quant à son logement. Globalement, les Français sont satisfaits de leur logement. Ils doivent avant tout disposer d’un espace extérieur et être bien situés.
Ce qui fait le plus défaut, c’est l’isolation thermique et phonique. Mais il convient tout de même de distinguer les propriétaires des locataires dans leur niveau de satisfaction comme dans les ressorts de cette satisfaction. Mais aussi ceux qui vivent en maison ou en appartement.
Pas de consensus sur les mesures à mener
Face à cet enjeu du prix, qu’attendent les Français en matière de politique publique ? Un tiers pense qu’il faudrait construire plus de logements pour faire baisser les prix, la moitié que l’encadrement des loyers est la solution. Notons que ces deux chiffres sont en diminution par rapport à 2021.
« On sent paradoxalement une atmosphère anti-construction progresser… a fortiori quand ces constructions concernent sa propre commune », précise le Président. Il faut tout de même relever que les locataires du parc privé, et plus encore ceux du parc social sont plus nombreux que la moyenne à appeler de leurs vœux plus de construction de logements. En mettant ce résultat en perspective avec l’effet Nimby (ndlr : Not In My Back Yard) bien connu, on peut faire l’hypothèse que se dessinent deux France, celle qui aimerait figer la situation du logement, et celle qui voudrait qu’elle évolue.
Autre résultat qui devrait être pris en compte par les pouvoirs publics en matière d’aménagement du territoire : deux tiers des Français pensent que c’est dans les petites villes qu’il faut construire un avantage, ils ne sont « que » 50% à penser qu’il convient de le faire dans les grandes villes et les métropoles.
« Comme notre baromètre indique depuis plusieurs années que les Français aspirent à vivre dans des environnements moins denses, cette nouvelle vague vient conforter notre thèse selon laquelle la France a atteint un « seuil de métropolisation », conclut Yannick Borde.