Immobilier : “Des solutions à la crise du logement existent !“, Alain Taravella (Altarea)

Baisse des prix, réduction de la production, diversification des activités, nouvelle offre Access pour les primo-accédants… Alain Taravella, Président-Fondateur d’Altarea explique comment son groupe s’adapte à la crise de l’immobilier. Rencontre avec Ariane Artinian.

Alain Taravella, president d'Altarea Cogedim veru d'une veste noire et d'une chemise blanche, posant devant une grande fenêtre avec une vue sur des arbres et l'opera comique a Paris dans son bureau.

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Alain Taravella, président d'Altarea Cogedim dans son bureau parisien

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Comment vous adaptez-vous à l’effondrement des ventes ?

Alain Taravella : Dès la fin de l’année 2022, nous avons beaucoup travaillé à écouler nos logements qui ne correspondaient plus aux besoins des acquéreurs. Nous avons passé près de 450 millions de provisions sur l’exercice 2023 pour acter les choses et repartir avec des prix plus bas. J’assume aussi la réduction de notre production. En 2020, nous étions en pointe avec 13 000 logements et l’ambition d’atteindre 18 000. Nous visons désormais la construction de 8 000 à 10 000 logements par an. Il est impossible d’échapper à une baisse de la production immobilière.  Heureusement, la promotion immobilière n’est qu’une part de notre activité. Nous sommes avant tout une foncière et nos actifs commerciaux renforcés après la crise du Covid soutiennent efficacement notre activité globale. Nos centres commerciaux attirent aujourd’hui plus de visiteurs qu’en 2019 grâce à des offres plus conviviales, incluant davantage de restauration, d’animations et de loisirs. De plus, nous avons décidé de diversifier nos activités, notamment dans le photovoltaïque, les data centers et l’asset management immobilier, afin de créer à terme de nouveaux relais de croissance.

Comment envisagez-vous le rôle d’un promoteur immobilier dans le contexte actuel ?

Alain Taravella : Il faut revenir à la base de notre métier. Notre mission, c’est de loger les Français, loger les jeunes, les familles monoparentales, les petits salaires qui ne peuvent même plus accéder au marché locatif.  La crise du logement n’est pas une fatalité. Pour y remédier, nous devons adapter notre offre au pouvoir d’achat des Français. C’est ce que nous faisons avec notre nouvelle génération de logements Access. 

Vous promettez l’accès à la propriété avec des revenus de l’ordre du SMIC… 

Alain Taravella : Notre offre packagée permet en effet à un ménage de primo-accédants gagnant 2 à 2,2 SMIC de devenir propriétaire de sa résidence principale dans le neuf en zone tendue quasiment pour le prix d’un loyer.  Grâce au prêt à taux zéro et à notre partenariat avec deux grandes banques Crédit Agricole IDF et LCL Habitat, nos clients peuvent financer leur acquisition à un taux d’intérêt actualisé compris entre, 1,5% et 2%, assurance comprise.  Nous ne demandons aucun apport personnel, ni frais de notaire, ni intérêt intercalaire, juste 500 euros de dépôt de garantie. Ils commencent à rembourser leur emprunt seulement lorsqu’ils entrent dans leur appartement. A l’arrivée, nous permettons à un couple gagnant 3200 euros nets de devenir propriétaire avec une mensualité fixe de 1050 euros par mois pendant 25 ans, au lieu de payer à fonds perdu un loyer quasiment du même montant, qui lui est indexé sur le coût de la vie. 

Où sont situées ces opérations Access ?

Alain Taravella : Nous avons lancé cette offre avec succès à Villeneuve-la-Garenne, dans les Hauts-de-Seine, et prévoyons de l’étendre progressivement à l’échelle nationale. L’objectif est ambitieux : construire 1500 logements sur ce modèle d’ici la fin de l’année et atteindre 50 % de nos ventes de logements au détail avec l’offre Access d’ici 2025. À Villeneuve-la-Garenne, nous proposons des appartements Access en TVA réduite à 4750 euros le mètre carré, dotés de balcons, de vues sur la Seine et de plans optimisés. Le projet, conçu par le même architecte que notre emblématique nouveau quartier Issy Cœur de Ville à Issy-les-Moulineaux, comprend une forêt urbaine, une coulée verte, une crèche, le tout adjacent au centre commercial Qwartz. À 5 000 euros le mètre carré, ces logements offrent toujours la même qualité Cogedim.

Comment réussissez-vous à maîtriser vos coûts ?

Alain Taravella : Nous avons repensé l’intégralité de notre fonctionnement. En amont, nous nous battons sur tous les postes du bilan, y compris sur la marge et nos frais. Les résultats sont là : nous avons déjà 100 réservations sur le programme Access de 540 logements à Villeneuve-La-Garenne et nous allons lancer 200 logements à Villejuif. D’autres opérations vont suivre en régions.

Les résultats sont-ils au rendez-vous ?

Alain Taravella : Oui, maintenant que nous sommes dans le marché, les ventes reprennent. Nous voyons même revenir des investisseurs qui paient cash. Si les taux d’intérêts baissent un peu, la situation va s’améliorer, mais marginalement. Bien sûr, des aides de l’État seraient utiles et nous négocions avec les villes et les aménageurs. Mais fondamentalement, nous nous préparons à une crise qui va durer quelques années. Ce qui est sûr, c’est que les primo-accédants doivent au plus vite profiter de l’opportunité offerte par le PTZ.

La nouvelle donne change t-elle votre façon d’appréhender les opérations ?

Alain Taravella : Nous avons été portés ces dix dernières années par les taux bas. L’époque où l’on achetait le terrain un peu trop cher, où nous accédions aux demandes des maires en finançant notamment des équipements publics, en nous disant « on va se récupérer sur le prix de vente », est durablement révolue. Pour sortir de la crise, il faut être rigoureux, il faut être professionnel et continuer à faire des produits plus abordables. Nous avons désormais l’objectif de livrer zéro appartement invendu. Nous n’achetons plus de terrains à des prix insoutenables. Nous négocions les prix du foncier et les coûts de construction qui avaient augmenté avec la guerre en Ukraine. Nous retravaillons tous les plans de nos appartements pour chasser tous les m² superflus. 

Finalement, quelles leçons tirez-vous de la crise ?

Alain Taravella : J’ai commencé à travailler dans la promotion immobilière il y a 54 ans, en vendant des logements à Parly 2 le week-end pour financer mes études à HEC. Des crises j’en ai traversées… Pour passer le cap, il n’y a qu’une seule solution, revenir aux besoins des clients, adapter notre offre en fonction de leur pouvoir d’achat et des modes de vie des Français. Nombre de maires rêvent d’accueillir sur leur territoire des familles de 3 enfants. Il faut qu’ils comprennent que le nombre de personnes par foyer diminue. Nous sommes passés de 3,1 à 2,1 personnes par foyer. Et que plus personne n’achète des 4 ou 5 pièces. J’aimerais aussi que le regard sur nos métiers change, que l’on prenne plus en considération le rôle sociétal extrêmement important que nous avons.  

Par Ariane Artinian