Immobilier : « Quand l’IA rénove les maisons mais que la loi ne suit pas », Silvia Versiglia

Silvia Versiglia, Directrice Juridique chez Orisha Real Estate, alerte les agents immobiliers sur un vide juridique qui pourrait leur coûter très cher ! Entre valorisation légitime du bien grâce à l’IA et manipulation, la frontière devient extrêmement fine.

Silvia Versiglia, Directrice Juridique chez Orisha Real Estate, alerte les agents immobiliers sur un vide juridique de l'IA et du home staging virtuel

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© Orisha Real Estate

Silvia Versiglia, Directrice Juridique chez Orisha Real Estate

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Aux États-Unis, une maison a récemment fait la une : ses photos avaient été entièrement retouchées par intelligence artificielle. Jardin luxuriant, piscine scintillante, murs flambant neufs…, sauf que rien de tout cela n’existait.

Un détail ? Pas vraiment. Car la frontière entre la mise en scène et la tromperie devient chaque jour plus floue. Et en France, la question mérite d’être posée : jusqu’où peut-on aller pour “embellir” un bien immobilier à l’aide de l’IA ?

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Une pratique non encadrée, mais pas sans risque

À ce jour, aucune disposition spécifique du droit français ne vise directement l’utilisation de l’IA pour modifier des photos immobilières.

Mais cela ne veut pas dire que tout est permis.

Deux piliers juridiques viennent encadrer, en creux, cette pratique :

  1. L’obligation d’information et de loyauté de l’agent immobilier (loi Hoguet). Le professionnel doit garantir l’exactitude des informations qu’il communique. Publier une image qui ne reflète pas la réalité du bien, c’est manquer à ce devoir de loyauté.
  2. L’interdiction des pratiques commerciales trompeuses (articles L.121-2 et suivants du Code de la consommation). Est considéré comme trompeur tout message, photo comprise, susceptible d’induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques essentielles du bien.

En clair : une photo générée ou retouchée par IA peut engager la responsabilité de l’agent si elle altère la perception réelle du logement.

Entre “mise en valeur” et tromperie manifeste

Le droit tolère une certaine mise en scène, à condition qu’elle reste fidèle à la réalité.

Ce qui est acceptable :

  • Ajuster la luminosité, le contraste, redresser les perspectives.
  • Améliorer la netteté ou corriger un léger déséquilibre visuel.
  • Proposer un “home staging virtuel” ou un ameublement par IA, à condition d’en informer clairement le futur acquéreur (“image retouchée par IA / suggestion d’aménagement”).

Ce qui devient trompeur :

  • Supprimer des fissures, taches d’humidité, ou un vis-à-vis gênant.
  • Élargir artificiellement une pièce ou “verdir” un jardin en friche.
  • Ajouter une piscine, une cheminée ou une terrasse inexistante.

À partir du moment où la retouche altère la substance du bien, on ne parle plus de communication, mais de dissimulation.

Des sanctions lourdes à la clé

L’agent immobilier est responsable du contenu de ses annonces, même si les photos proviennent du vendeur ou d’un prestataire.

En cas de manquement, il risque :

  • Des sanctions pénales : jusqu’à 2 ans de prison et 300 000 € d’amende (ou 10 % du chiffre d’affaires annuel).
  • Des sanctions civiles : annulation de la vente et / ou des dommages et intérêts.
  • Des sanctions disciplinaires : avertissement, suspension, voire retrait de la carte professionnelle.

l’IA, oui, mais sous contrôle humain

En conclusion, l’intelligence artificielle offre des outils puissants pour valoriser un bien. Mais la transparence reste la meilleure alliée du professionnel.

Dans un marché où la confiance est essentielle, l’IA ne doit pas servir à travestir la réalité, elle doit simplement aider à la présenter sous son meilleur jour. En somme : l’IA ne dédouane pas de la déontologie. Et la plus belle image restera toujours celle de la confiance.

Par MySweetImmo