Crédit immobilier : Vers des taux à 4% d’ici la fin de l’été et 5% début 2024

Dans le cadre de sa politique de resserrement monétaire pour combattre l’inflation en zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) a relevé de 0,25 point ses principaux taux directeurs pour la huitième fois d’affilée. Zoom sur les conséquences en matière de crédit immobilier avec le courtier CAFPI.

smartphone avec le logo de la banque centrale europeenne (bce)

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La Banque Centrale Européenne (BCE) a annoncé ce jeudi poursuivre sa politique de relèvement de ses taux directeurs de 25 points de base. Après plusieurs réévaluations amorcées en juillet 2022, les taux directeurs retrouvent leur niveau de novembre 2008 : 3,50% pour le taux de dépôt et 4% pour le taux de refinancement. Cette nouvelle hausse intervient en vue de maîtriser l’inflation qui atteint, en France, en mai, 6% (selon les dernières données Eurostat), contre 5,8% il y a un an à la même époque.

« Nous nous attendons par conséquent à ce que les taux moyens de crédit immobilier poursuivent leur progression dans les semaines qui viennent pour atteindre environ 4% d’ici à la fin de l’été, dans une logique de reconstitution progressive des marges perdues par les banques en 2022« , prévoit la courtier en crédit CAFPI dans un communiqué.

Au-delà de cet horizon, ce sont les signes de maîtrise (ou de persistance) de l’inflation qui dicteront le chemin que prendront les taux directeurs et les taux de crédit.

« Si des signaux rapides de modération de l’inflation devaient apparaître, nous pourrions imaginer être proches de la fin du cycle de hausse des taux, avec des taux de crédit stabilisés autour de 4%, poursuit le courtier. Restons cependant lucides sur le fait que nous ne reverrons pas des taux de crédit à 1%« .

Mais à ce stade, on ne peut exclure un scénario d’enracinement durable de l’inflation. Les derniers chiffres d’Eurostat montrent une inflation des prix alimentaires alarmante, de nature à nourrir une boucle prix-salaires longue à éteindre.

Selon les chiffres du ministère du Travail, les salaires de base ont pris 3,9% en France en 2022. Dans un tel scénario, on ne peut exclure de nouvelles hausses des taux directeurs à l’automne et des taux de crédits immobiliers qui se dirigeraient vers le seuil de 5% à l’horizon du début de l’année 2024.

En un an, le pouvoir d’achat immobilier a baissé de 25%

À chaque hausse des taux cela se répercute sur le pourvoir d’achat des emprunteurs. Pour prendre un exemple concret, un couple gagnant 3 000 € par mois et souhaitant emprunter 200 000 € sur 25 ans pour leur projet immobilier. Actuellement, avec des taux d’intérêt s’élevant à 3,7%, ces emprunteurs auraient des mensualités de 1 023 €. Or fin 2023, pour avoir des mensualités équivalentes avec des taux d’intérêt de 5%, l’emprunt possible pour le couple n’est plus que de 175 000 €. Dans ce cas, ce couple voit sa capacité d’emprunt se réduire de 25 000 € (-12,5%) en l’espace de 6 mois.

En l’absence de correction significative des prix de l’immobilier, ces hausses répétées affectent le pouvoir d’achat des futurs acquéreurs et rendent plus que jamais difficile l’accession à la propriété. Avec ce mouvement haussier des taux et une baisse des prix de l’immobilier trop faible pour permettre l’équilibre, le pouvoir d’achat immobilier des Français a chuté de 25% en un an. 

« Dans un marché aussi troublé, les banques sont devenues très exigeantes en matière de crédits. Être accompagné par des professionnels – notamment par un courtier – pour son projet immobilier est désormais un passage obligé pour obtenir un financement » souligne Caroline Arnould, Directrice du développement CAFPI et présidente de l’APIC.

La BCE n’en a pas fini avec sa remontée historique des taux

La banque centrale européenne (BCE) devrait encore relever ses taux d’intérêt en juillet car son « voyage » pour dompter l’inflation est loin d’être terminé.

La présidente de l’institution, Christine Lagarde, a en effet dévoilé qu’une autre hausse de taux était « très probable » lors de la réunion de juillet.

Pas question pour la BCE de faire une pause dans son resserrement monétaire, comme l’a décidé mercredi la banque centrale américaine: la Fed a laissé mercredi ses taux inchangés pour se donner le temps d’évaluer la situation, tout en ouvrant la voie à de nouvelles hausses d’ici la fin de l’année.

« Nous sommes au milieu de cette lutte contre l’inflation » que Christine Lagarde a de nouveau comparé à un « voyage« .

« Nous avons encore du chemin à faire. Nous ne sommes pas arrivés à destination« , a-t-elle ajouté, soulignant le « très large consensus » obtenu sur les décisions du jour.

Risque de spirale

Après une décennie d’argent pas cher, la BCE s’est lancée dans un cycle sans précédent de resserrement monétaire pour contrer la flambée des prix à la consommation dans le sillage de l’offensive russe en Ukraine.

En relevant les taux, les banquiers centraux réduisent la demande de crédit et donc l’investissement et la consommation des ménages comme des entreprises, avec pour conséquences un ralentissement de la demande et donc de la pression sur les prix.

La BCE a relevé ses taux de 4 points de pourcentage depuis juillet 2022. Le taux de dépôt, qui fait référence, atteint 3,50%, son plus haut niveau depuis mai 2001.

L’inflation reste élevée et continue d’inquiéter les responsables politiques confrontés aux protestations des opinions publiques dont le pouvoir d’achat est amputé mois après mois.

« L’inflation ralentit, mais devrait rester trop forte pendant une trop longue période« , observe la BCE dans son communiqué.

La hausse des prix en zone euro est retombée à 6,1% sur un an en mai, loin du record à 10,6% atteint en octobre, mais loin également de l’objectif de 2% poursuivi par la BCE.

L’institution a même légèrement relevé, dans ses prévisions actualisées jeudi, le niveau de hausse des prix anticipé jusqu’en 2025: l’inflation devrait atteindre 5,4% en 2023, puis 3,0% en 2024 et 2,2% en 2025.

Une prévision d’inflation toujours au-delà des 2% en 2025 n’est « pas satisfaisante« , a observé Mme Lagarde.

Les augmentations de salaire deviennent une « source de plus en plus importante » d’inflation, a mis en garde la Française, qui a aussi pointé les profits élevés des entreprises dans un environnement inflationniste. Celles-ci accroissent leurs marges bénéficiaires, au risque d’alimenter une spirale de hausse de prix.

Croissance ralentie

« La Banque centrale européenne poursuit son cycle de hausse et n’annonce aucun signe de pause pour bientôt« , commente Carsten Brzeski, de la banque ING.

L’entrée en récession de la zone euro n’a pas infléchi sa détermination: le PIB (Produit intérieur brut) des 20 pays partageant la monnaie unique a reculé de 0,1% entre janvier et mars, après une baisse de même ampleur lors du trimestre précédent.

Par voie de conséquence la BCE a revu à la baisse ses prévisions de croissance, le PIB étant attendu en hausse de 0,9% cette année, contre 1,0% prévu auparavant, puis 1,5% en 2024 et 1,6% en 2025.

Après le trou d’air hivernal, la BCE est cependant confiante dans la possibilité de voir l’activité économique reprendre des couleurs.

Des économistes s’inquiètent cependant de voir le resserrement monétaire aller trop loin et briser la reprise.

« La BCE doit veiller à ne pas en faire trop« , prévient l’institut économique berlinois DIW, pointant les « bouleversements considérables de l’économie réelle et du secteur immobilier » entraînés par les hausses de taux.

Pour la BCE, il vaut mieux risquer d’en faire trop que pas assez, « le coût d’une action trop faible étant supérieur à celui d’une action trop énergique » contre l’inflation, avait fait valoir une de ses responsables, Isabel Schnabel, début juin.

Par MySweetImmo avec AFP