Quel regard portent les agents immobiliers indépendants sur le marché en 2023?

Pour les agents immobiliers indépendants, 2023 est sans conteste, l’année de bascule du marché et, pour 80% d’entre eux, le défi majeur de 2024 sera de sensibiliser les vendeurs à la nécessité d’une baisse des prix.

Agent immobilier et loupe

© adobestock

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L’année 2023 aura définitivement acté le retournement du marché immobilier tant redouté. L’inflation galopante, la hausse importante des taux d’intérêt, le durcissement de l’accès au crédit et les prix de vente figés auront eu raison de plusieurs années d’euphorie immobilière.

L’Observatoire Interkab a interrogé les 8 000 agences immobilières indépendantes qui constituent la sa communauté pour mieux cerner ce nouveau paysage. Bonne nouvelle, ce nouvel éclairage du marché laisse entrevoir une voie possible en 2024, mais sous certaines conditions.

Une crise immobilière qui s’installe

Tous les indicateurs d’un retournement de marché sont perceptibles simultanément :

Un allongement des délais de vente qui n’a cessé de s’accentuer tout au long de l’année pour finalement dépasser le seuil de 150 jours de délai à la fin de 2023. Trois facteurs sont à l’origine de cette situation : la constitution de plus en plus complexe des dossiers de financement, une baisse des prix encore trop timide, et enfin, une pénurie d’acquéreurs. Face à ces cycles de commercialisation qui s’allongent, les agents immobiliers adoptent de nouvelles stratégies. En effet, ils étaient plus de 56% au T3 à déclarer opérer une sélection plus drastique sur leur prise de mandats. Une attitude qui est cohérente au vu des stocks de biens déjà conséquents accumulés sur l’année.

Une reconstitution des stocks qui se poursuit mais qui tend néanmoins à se ralentir en cette fin d’année (+9% de stock à la vente entre T3 et T4 vs +30% entre T2 et T3). Cette croissance est homogène dans les régions. En effet, on observe une hausse de +13% des stocks de biens à la vente en Nouvelle-Aquitaine entre le T3 et le T4, celle-ci s’élève à +21% en Île-de-France sur la même période.

Les marges de négociation sont restées stables sur l’année, aux alentours de -5%, alors qu’on s’attendait à une correction du marché une fois les négociations entre acheteurs et vendeurs entamées. Elles passent de -4,9 % au T1 à -5,2 % au dernier trimestre (soit +0,3 point depuis le début de l’année), ne constituant donc pas une variable d’ajustement.

On observe un recul général du volume des transactions entre le T3 et le T4 sur l’ensemble du territoire, notamment sur les régions Île-de-France et Nouvelle-Aquitaine qui enregistrent chacune une baisse de -1% sur la période. En cette fin d’année 2023, le marché se dirige vers un retour à des volumes normatifs de transactions.

La guerre psychologique des prix de vente

Sans surprise, sur le top 10 des plus grandes villes de France, les prix au m² ont chuté : la baisse moyenne constatée des prix au m² sur l’année 2023 se situe aux alentours des -2%. La même tendance se fait également sentir sur les prix de vente moyens depuis le début de l’année : -6% pour les appartements et -3% pour les maisons.

« La baisse des prix n’est pas suffisante pour faire revenir les acheteurs sur le marché », constate Olivier Bugette. Selon les agents immobiliers indépendants, 7 acheteurs sur 10 rencontrent des difficultés dans la constitution de leurs dossiers de financement. Dans le même temps, 3 acheteurs potentiels sur 10 préfèrent jouer la montre en attendant des opportunités avec des baisses de prix significatives.

Alors que le marché devient de plus en plus binaire avec, d’un côté ceux qui ne peuvent plus acheter, de l’autre ceux qui préfèrent attendre, il est fort probable que la baisse des volumes de transactions se poursuive en 2024. La seule variable d’ajustement en capacité d’enrayer cet état de marché sera la baisse des prix de vente.

En effet, selon 80% des agents immobiliers, le défi majeur de 2024 sera de sensibiliser les vendeurs à la nécessité d’une baisse des prix. Les acheteurs se trouvent dans des situations complexes avec, au mieux, l’espoir d’une stabilisation des taux. C’est pourquoi le marché doit s’ajuster à la réalité économique de 2024. Le rôle de l’intermédiaire n’a jamais été aussi crucial, car il est le « seul à pouvoir exercer un rôle de conseiller auprès des vendeurs et leur expliquer que l’époque où l’argent était quasiment gratuit et les prix très élevés est révolue ! », explique Olivier Bugette, fondateur de La Boîte Immo.

Bien que l’urgence soit devenue flagrante pour les agents immobiliers, les vendeurs n’ont pas encore pleinement pris conscience de la situation : ils sont en effet encore plus de 50% à ne pas envisager de baisse de leur prix de vente. Le marché immobilier, comme à son habitude, fait preuve d’une certaine inertie et tarde à se réajuster. « Depuis le début de l’année, les vendeurs campent sur leur position. Les agents immobiliers indépendants auront un rôle prépondérant à jouer en tant que régulateurs du marché », conclut le CEO.

La performance énergétique est devenue un critère d’achat à part entière

Dans une époque où la sobriété énergétique est devenue un enjeu majeur, les diagnostics influent directement sur la perception des biens qu’ont les professionnels et les acheteurs. 45% des agents immobiliers indépendants considèrent que les biens affichant une performance énergétique défavorable (étiquette F ou G au DPE) constituent une opportunité d’investissement. Pour ceux qui sont prêts à entreprendre des travaux de rénovation, il y a en effet de vraies opportunités de négociation des prix de vente.

Cependant, du côté des acheteurs, la perception est tout autre, puisqu’ils sont quasiment 7 acheteurs sur 10 à considérer les étiquettes F ou G comme un critère rédhibitoire.

« Cette considération énergétique apparaît maintenant comme un élément déterminant dans l’acte d’achat des particuliers, qu’il conviendra désormais de considérer comme un « critère d’achat », au même titre que l’étage du bien par exemple », souligne Olivier Bugette.

Deux ans après la mise en application de la loi Climat et Résilience, le marché immobilier est impacté par ces mesures. En effet, la pression augmente, notamment pour les propriétaires bailleurs, avec l’entrée en vigueur, en janvier 2025, de l’interdiction de louer tous les logements classés G, les plus énergivores. Pour rappel, depuis janvier 2023, les logements étiquetés G+ et consommant plus de 450 kWh/m² par an d’énergie finale, sont déjà exclus du marché locatif (pour un nouveau bail). En cette fin d’année, les biens avec un DPE défavorable représentent 9% des mandats de vente en cours, une proportion qui a diminué d’un point par rapport au premier trimestre. En cause : d’un côté, les étiquettes F et G qui constituent un critère d’achat rédhibitoire. De l’autre, les vendeurs qui ne prennent pas en compte l’estimation des agents immobiliers et refusent de baisser leur prix de vente. Conséquence : une sélection plus restrictive des mandats par les agents immobiliers, ce qui entraîne une légère diminution de la part de biens avec un DPE défavorable dans les stocks.

Les prix des biens sanctionnés d’un DPE défavorable affichent une tendance baissière. Dans le top 10 des plus grandes villes françaises, la baisse moyenne constatée des prix au m² est de l’ordre de -3%. Une baisse qui reste timide, preuve que les vendeurs résistent à ajuster leur prix, alors même que ces biens présentent des défauts énergétiques importants. Dans le même temps, les marges de négociation sont, quant à elles, plus importantes sur cette typologie de biens, avec un écart de -7,3% entre le prix de vente affiché et celui acté chez le notaire. Il existe donc de réelles opportunités de négociation des prix de vente pour les acquéreurs prêts à entreprendre des travaux de rénovation.

Une crise immobilière avec d’importantes conséquences

Les acteurs les plus touchés par la crise immobilière sont sans nul doute les primo-accédants. S’ils constituaient plus de 32% des acquéreurs potentiels il y a moins de 18 mois, ils n’en représentent aujourd’hui plus que 15%. L’augmentation des taux d’intérêt associée à une inflation galopante a eu raison des capacités d’emprunt des jeunes générations.

Autre catégorie d’acheteurs potentiels en net recul, les investisseurs ont désormais une position très attentiste en vue d’une baisse effective des prix de vente. En effet, s’ils constituaient encore 30% du volume de transactions en 2022, ils ne représentent plus que 15% des prospects acquéreurs en cette fin d’année 2023. Conséquence de cette nouvelle réalité de marché, les secundo-accédants et les seniors représentent aujourd’hui 7 acheteurs potentiels sur 10. « Cette dynamique reflète un changement significatif dans la composition des acheteurs et impacte incidemment certaines typologies d’actifs, les rendant moins attractifs », explique Olivier Bugette

Source : La Boîte Immo
Par MySweetImmo