Immobilier et IA générative : « Quelles responsabilités pour demain ? », Silvia Versiglia
Visites virtuelles générées automatiquement, compromis de vente rédigés par IA, scoring des locataires… L’intelligence artificielle s’invite dans l’immobilier. Mais qui sera responsable si l’IA se trompe ? Silvia Versiglia, Directrice Juridique chez Orisha Real Estate, fait le point.

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Silvia Versiglia, Directrice Juridique chez Orisha Real Estate
Le secteur immobilier traverse une transformation majeure. Algorithmes prédictifs, IA générative capable de créer des visites virtuelles ou de rédiger des compromis de vente… ces outils redéfinissent le métier et soulèvent des questions juridiques inédites. Face à ces innovations, qui assume la responsabilité lorsqu’une IA se trompe ?
L’IA générative : opportunité et vigilance
En 2025, l’IA ne se limite plus à l’analyse des tendances ou à l’optimisation de la gestion locative. Elle génère du contenu, conseille les investisseurs et simule des biens virtuels réalistes.
Cette évolution pose une question centrale : l’agent immobilier qui utilise ces outils reste responsable de tout ce qu’il valide et diffuse, tant à l’égard de ses clients sur le plan contractuel (article 1231-1 du Code civil), qu’envers les autres parties concernées (acquéreurs potentiels, candidats locataires, etc.…) au titre de sa responsabilité civile extracontractuelle (article 1240 du Code civil).
Même si l’AI Act cible principalement les fournisseurs et développeurs d’IA, les professionnels de l’immobilier ne sont pas hors de cause. Leur responsabilité reste engagée lorsqu’ils s’appuient sur l’IA pour estimer un bien, rédiger des documents ou sélectionner des locataires. La vigilance et le contrôle humain sont essentiels.
Risques juridiques à connaître
- Responsabilité algorithmique : un outil d’estimation ou de rédaction erroné peut avoir des conséquences financières importantes. La jurisprudence tend à reconnaître une responsabilité partagée, mais le professionnel doit exercer un contrôle rigoureux.
- Biais et discrimination : un algorithme de scoring locataire ou d’évaluation immobilière peut discriminer certaines populations, violant les principes de non-discrimination (loi n°89-462 du 6 juillet 1989). L’utilisateur doit s’assurer que les outils respectent ces obligations.
- Propriété intellectuelle : les créations générées par IA (plans, visites virtuelles) posent la question des droits d’auteur. Si l’IA ne peut être titulaire de droits, la collaboration avec l’humain doit être documentée pour protéger la créativité et la valeur ajoutée du professionnel.
Recommandations stratégiques pour 2026
Pour utiliser l’IA en toute sécurité et limiter les risques :
- Audit des outils IA : recenser et évaluer tous les outils utilisés dans l’activité professionnelle afin de comprendre leurs limites et risques. Un conseil juridique spécialisé est recommandé.
- Formation continue : sensibiliser les équipes aux capacités et limites de l’IA, et aux implications juridiques liées à son utilisation.
- Contractualisation avec les fournisseurs : vérifier que les contrats clarifient les responsabilités, exigent des garanties de conformité réglementaire et des mécanismes de traçabilité.
- Documentation et traçabilité : tenir un registre des usages et décisions de l’IA pour démontrer la diligence exercée en cas de litige.
- Transparence avec les clients : informer les clients lorsque l’IA intervient dans l’estimation, la rédaction ou le conseil.
En conclusion, l’agent immobilier est un véritable expert augmenté. En effet, l’IA est une opportunité pour le secteur, mais elle ne remplace pas le jugement humain. L’agent immobilier devient un expert augmenté, capable d’intégrer l’intelligence artificielle dans une relation de conseil responsable, transparente et éthique.
Prudence et discernement restent indispensables pour que cette révolution technologique bénéficie à tous.