Agent immobilier : Comment gérer les clients compliqués ?
Tous les clients sont sympas sauf que … Certains donnent parfois plus de fil à retordre que d’autres. Cyril Decoux, agent immobilier chevronné, directeur de l’agence Era Avenir immobilier à Tours, explique de quelle façons gérer un client compliqué, qu’il soit vendeur ou acheteur.

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Tous les clients sont sympathiques… ou presque ! Dans la pratique, certains donnent parfois plus de fil à retordre que d’autres. Cyril Decoux, agent immobilier chevronné et directeur de l’agence ERA Avenir Immobilier à Tours, partage ses conseils pour gérer les situations délicates avec des vendeurs ou des acheteurs exigeants, frileux ou tout simplement… très humains.
MySweetImmo : Qu’est-ce qu’un client compliqué ?
Cyril Decoux : C’est un client qui a besoin d’être sécurisé. En général, ce sont des clients frileux et anxieux. Ce qui peut se comprendre lorsque l’on envisage un projet qui engage toute une vie. Pour se lancer, ils ont besoin de preuve sur la plus-value qu’apporte un agent immobilier. Mais il est important de faire la distinction entre les clients compliqués vendeurs et acquéreurs.
MySweetImmo : Que se passe-t-il dans la tête d’un vendeur frileux ?
Cyril Decoux : Les vendeurs compliqués ont besoin d’être rassurés sur les compétences et la qualité de service de l’agent immobilier qui se présente chez eux. À nous de leur démontrer — et de les convaincre — que faire appel à un professionnel est bien plus efficace que de déposer une simple annonce sur Leboncoin. Et surtout, leur faire comprendre que tout le monde ne peut pas s’improviser agent immobilier. Ce qu’ils doivent intégrer ? Que le professionnel est une opportunité, une vraie chance pour eux. Surtout pas l’inverse.
Notre premier travail, c’est de vendre nos services. Une fois que les vendeurs nous accordent leur confiance, alors on peut aborder la question du prix du bien. C’est une étape délicate, car il est essentiel de les sécuriser sur le montant du net vendeur. Un propriétaire pensera toujours que son bien est le plus beau du quartier. Il y met beaucoup d’affect. Or, c’est problématique, car l’acquéreur, lui, se moque de la relation affective que le vendeur entretient avec son logement. Tant que ce dernier n’est pas objectif, il est difficile de fixer un prix juste, en adéquation avec le marché.
Pour gérer un client vendeur compliqué, il faut lui apporter des preuves concrètes de notre engagement, de nos compétences et de notre connaissance fine du marché local.
MySweetImmo : Comment gère-t-on un client qui campe sur ses positions ?
Cyril Decoux : Je dis souvent : « Personne n’est plus sourd que celui qui ne veut pas écouter », car, évidemment, certains vendeurs restent fermés et ne veulent rien lâcher sur le prix. « Oui, mais la maison d’à côté s’est vendue à ce prix-là », avancent-ils. Sauf qu’ils oublient que deux ans ont passé… et que les prix ont baissé ! À nous d’expliquer également qu’un bien qui ne se vend pas finit par s’user, jusqu’à ne plus intéresser personne. Typiquement, si je suis à la recherche du bien de mes rêves, je ne vais pas acheter un bien que personne n’a voulu acheter avant moi.
Dans ce cas de figure, l’agent immobilier doit alors faire preuve d’humilité, car la décision sur le prix revient au vendeur. Et si celui-ci ne veut pas écouter, il faut savoir l’accepter.
Ces clients-là sont compliqués à gérer. Pour les ramener à la raison, il faut du doigté. Au sein d’ERA Avenir Immobilier, nous avons pour habitude de leur donner des nouvelles très régulièrement, même lorsque nous n’avons rien de neuf à leur annoncer faute de visite. Et enfin, nous lâchons la phrase clé : « Nous avons eu quelques appels, nous avons relancé notre portefeuille d’acheteurs… mais rien. Alors, qu’est-ce qu’on fait ? »
L’idée, c’est de mettre le client compliqué face à ses responsabilités.
De toute façon, au fil du temps, un propriétaire dont le bien ne trouve pas preneur devient vulnérable. Il comprend que, malgré tout ce qu’il croit savoir sur le métier d’agent immobilier et sur le marché, il a besoin d’être accompagné par un professionnel. Peu à peu, il se détend, il devient à l’écoute. Et, enfin, il est possible de lui proposer une stratégie de vente efficace.
MySweetImmo : Certains vendeurs vous mettent-ils des bâtons dans les roues ?
Cyril Decoux : Certains vendeurs imposent des contraintes : pas de visite le samedi, présence obligatoire lors des rendez-vous… Là encore, il faut faire preuve de pédagogie. Ma technique : leur expliquer la règle des 5×20. Pour avoir 100 % de chances de vendre, il faut cinq éléments essentiels : les clés (ou, au minimum, des facilités de visite), un vrai prix, un projet clair (êtes-vous vraiment vendeur ?), une exclusivité, et un panneau. Une fois qu’ils ont compris cela, les choses se passent généralement bien.
Et si un vendeur refuse de ranger son intérieur, de réparer ce qui est cassé ou de tondre sa pelouse, c’est à nous de lui expliquer, calmement, qu’il ne met pas toutes les chances de son côté. Un acquéreur se décide souvent en 90 secondes ! Un bien en mauvais état, c’est soit une vente ratée, soit une négociation immédiate à la baisse.
On ne peut pas changer les gens. En revanche, on peut changer notre façon de les appréhender. En tant qu’agents immobiliers, nous devons nous adapter et composer avec les petits travers de chacun.
MySweetImmo : L’acquéreur est-il un client plus compliqué que le vendeur ?
Cyril Decoux : Dans l’ensemble, les clients sont sympas. Certains vendeurs, comme je viens de le dire, sont frileux mais les plus compliqués à gérer sont effectivement les acquéreurs. Ils sont volatiles, infidèles, parfois prêts à tout pour payer moins cher… Sur un marché où il y a du choix, comme celui que nous connaissons à présent, l’acquéreur prend son temps. Il est presque devenu capricieux. Il veut visiter et visiter encore, espérant décrocher la perle rare pour une bouchée de pains. Ce type de client est compliqué à gérer car il peut vite devenir très chronophage.
Si l’agent immobilier ne réalise pas une phase de découverte précise des critères de recherche et des besoins de l’acquéreur, il risque de se laisser embarquer dans une série de visites inutiles. Tous les acquéreurs veulent le Top du Top… au prix le plus bas. C’est justement à ce moment-là qu’il faut cadrer : le budget, les besoins réels, les priorités. Il faut aussi canaliser les envies, qui sont parfois irréalistes, et savoir être directif — car certains acquéreurs n’ont tout simplement pas les pieds sur terre. S’il n’y a pas le budget, il n’y a pas le budget.
Pour les aider à se projeter et à mieux comprendre ce qu’ils peuvent réellement s’offrir, nous avons une méthode simple : nous leur présentons trois biens. Le premier est un repoussoir — moins cher, avec des travaux, ou qui ne correspond pas tout à fait à leurs attentes. Le deuxième correspond parfaitement à leurs critères. Et le troisième est légèrement au-dessus de leur budget. Ce comparatif leur permet de se situer plus concrètement et de prendre une décision en connaissance de cause.
MySweetImmo : Qu’est-ce qui pose le plus problème ?
Cyril Decoux : Certains acquéreurs veulent impérativement négocier alors que le bien leur correspond et que le prix colle à leur budget. D’autres préfèrent prendre le temps de réfléchir… et ne comprennent pas, que le bien a été vendu lorsqu’ils recontactent l’agence.
S’il est essentiel de sécuriser le vendeur, il faut, en parallèle, faire preuve de fermeté avec l’acquéreur et rester très rigoureux. Cela implique de lui rappeler clairement — et si besoin, à plusieurs reprises — les critères qu’il a lui-même définis, et qui sont bien présents dans les biens proposés. L’objectif : éviter qu’il ne se laisse tenter par une recherche sans fin, dans l’espoir illusoire de trouver toujours mieux.
Certains acquéreurs veulent absolument négocier, même lorsque le bien correspond parfaitement à leurs attentes et que le prix est en adéquation avec leur budget.
Le client « touriste » peut poser problème. En même temps, c’est le plus sympa ! Évidemment, il n’achète jamais mais c’est une mine d’informations puisqu’il a tout visité, tout comparé. Parfois, il devient même un apporteur d’affaires. On le repère assez facilement : son financement n’est généralement pas bien ficelé, et son projet manque de clarté.
Pour gérer un acquéreur, il faut préciser au préalable les règles du jeu, c’est-à-dire la manière dont l’agence travaille. Au sein de notre structure, l’acquéreur potentiel est prévenu : il sait, par exemple, qu’il devra repasser par nos bureaux à l’issue des visites pour faire un point. Ne serait-ce que parce que nos vendeurs attendent un compte rendu de visite.
Mais cette étape a aussi une autre vertu : elle permet de l’encourager à faire une offre. Car notre rôle, parfois, c’est aussi de l’aider à prendre une décision importante… sur 20 ans. Et bien souvent, il nous remercie ensuite !