Immobilier : « Investisseur locatif privé, un numéro de prestidigitation cynique », Danielle Dubrac (UNIS)

Dans une tribune au vitriol, Danielle Dubrac, présidente de l’UNIS, fustige une ligne politique « illisible » : statut fiscal édulcoré, encadrement des loyers en vue et risque de décrochage des investisseurs dans un marché locatif déjà asphyxié.

Portrait de Danielle DUbrac, présidente de l'UNIS dans son bureau

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Danielle Dubrac, présidente de l’UNIS, alerte sur une ligne politique devenue « illisible » pour les bailleurs privés : statut fiscal affaibli, encadrement des loyers en discussion et désengagement croissant des investisseurs. Un signal d’alarme alors que le marché locatif traverse une crise historique.

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Une crise locative sans précédent

Un statut fiscal tiède, la menace d’une généralisation de l’encadrement des loyers : le gouvernement et le parlement entendent-il faire lever des vocations d’investisseurs en leur créant de nouvelles contraintes ? Retrouvons de la cohérence avant qu’ils ne se détournent totalement de l’immobilier.

Notre pays a besoin d’investisseurs locatifs privés comme jamais dans son histoire. Le constat est sans appel : dans les métropoles, pour un logement à louer, on enregistre entre 50 et 200 demandes, et dans les villes moyennes les plus attractives, on compte encore entre dix et trente candidatures pour un bien disponible. Bien sûr, alors que 70% de la population peut prétendre à un logement HLM en termes de revenus, les éconduits des files d’attente pour obtenir une location dans le parc privé vont grossir les rangs des demandeurs de logements sociaux : ils sont aujourd’hui trois millions, un tiers déjà logé par les bailleurs sociaux et désireux de changer de logement, deux tiers sans solution de location. Jamais la France n’avait connu une telle trombose du marché locatif.

Pourquoi les bailleurs se retirent du marché

Comment en est-on arrivé à cette situation intenable, des milliers de ménages de tous âges ayant toutes les peines du monde à trouver une location à leur mesure ? D’abord parce que la demande n’a cessé de se renforcer avec la mobilité professionnelle et la mobilité pédagogique. Ensuite parce que la parc locatif est depuis les premières interdictions de louer de la loi Climat résilience de 2021 en attrition, des propriétaires bailleurs cédant leur logement faute de pouvoir y engager les travaux de rénovation énergétique indispensables. Pour certains, cette cause est venue s’ajouter à d’autres raisons de découragement, la hausse de la taxe foncière, un niveau d’imposition des revenus fonciers élevé, les risques d’impayés majorés par les circonstances économiques difficiles et des rapports locatifs marqués par un déséquilibre au profit des locataires accentué par chaque modification législative. Enfin, le recul de l’accession à la propriété en cette période de taux d’intérêt moins digestes et d’incertitude politique et géopolitique a enrayé pour beaucoup le parcours résidentiel : un taux de propriétaires occupants passé des 58% à 57% en quelques années, ce sont 68.0000 personnes de plus en quête de location à l’instant t.

Un statut fiscal encore très insuffisant

La tendance au désinvestissement est en outre aggravée par une proportion d’investisseurs nouveaux en décroissance nette depuis deux ans : dans le neuf, ils ont été divisés par dix et dans l’existant ils sont quasiment deux fois moins nombreux.
Comment redresser la barre ? L’espoir d’un statut fiscal équitable et séduisant pour les investisseurs, qui reconnaisse leur rôle d’entrepreneurs et leur autorise l’amortissement comptable de la valeur de leur bien, vient d’être pour partie satisfait par la Sénat. Pour autant, on est très loin du compte et très loin du projet consigné dans le rapport Daubresse-Cosson rendu à Valérie Létard alors ministre du logement. Bercy a altéré l’amendement des sénateurs qui en découlait et le dispositif manque de souffle. Il est assorti de nombreuses contraintes : pour l’ancien, le fléchage vers des logements mal classés dans le DPE et l’obligation d’y engager au moins 20% de travaux, un taux d’amortissement de 3% par an avec une limite de déduction maximum de 8000€ par ménage et une enveloppe d’imputation des déficits fonciers sur le revenu global laissée intacte à un niveau fixé il y a 30 ans ! Le mécanisme de l’amortissement est acquis, et c’est un progrès considérable, mais les critères vont le rendre inefficace. Il faudra que la commission mixte paritaire les améliore.

Encadrement des loyers : la contradiction de trop ?

Et c’est à ce moment précis, alors même que le gouvernement a réduit la voilure du statut fiscal du bailleur privé qu’une proposition de loi généralisant l’encadrement des loyers va être examinée à l’Assemblée nationale (Pn n° 2039 du député I.Echaniz). Est-ce bien sérieux ? Le ministre de la Ville et du logement et le parlement entendent-il faire lever des vocations d’investisseurs en leur créant de nouvelles contraintes ?
La méthode de séduction est singulière et il serait surprenant que les investisseurs s’y laissent prendre. Elle relève d’une sorte de sado-masochisme politique : agir pour développer l’investissement et s’employer à faire échouer la stratégie. Appuyer en même temps sur l’accélérateur et sur le frein. La ligne politique est tordue et illisible. Que nos décideurs publics retrouvent d’urgence une cohérence, avant que les Français, viscéralement attachés à l’immobilier, ne s’en détournent !

Par MySweetImmo