Crédit immobilier : La fragile reprise du marché d’ici 2027

Le crédit immobilier repart depuis début 2025, porté par de meilleures conditions de financement. Mais la hausse des taux longs et la pression sur les marges rappellent la fragilité du marché.Aurélien Vernet, directeur des études de Xerfi, Analyse des tendances, des stratégies bancaires et des acteurs les plus offensifs.

Main selectionnant des maisons symboliques representant le marche immobilier.

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Les taux reculent, les ménages reviennent timidement en banque, et la production repart lentement. Mais selon Xerfi, le marché du crédit reste fragile : marges rognées, concurrence exacerbée, risque de retournement. Le directeur d’études Aurélien Vernet décrypte les forces à l’œuvre et les scénarios possibles. Un éclairage utile pour comprendre les dynamiques du moment.

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La reprise de la production de crédits immobiliers qui se dessine depuis quelques mois peut-elle persister ?

La remontée du marché du crédit immobilier observée depuis début 2025 repose sur des fondamentaux solides. Toutefois, il ne faut pas exclure un retournement. La détente monétaire engagée par la BCE a contribué à ramener les taux des nouveaux crédits autour de 3,1% au premier semestre 2025, contre 3,4% un an plus tôt. Cette amélioration des conditions de financement a alimenté le rebond des transactions dans l’ancien, qui ont atteint 907 000 ventes à fin juillet 2025, après un point bas à 832 000 en septembre 2024. Dans ce contexte, la production de crédits s’est nettement redressée. C’est ainsi que 73 milliards d’euros ont été accordés au premier semestre 2025, contre 52 milliards un an plus tôt, permettant de financer 381 000 projets.

Toutefois, plusieurs signaux appellent à la prudence. D’une part, les taux immobiliers se stabilisent depuis l’été 2025 et les premières hausses ponctuelles apparaissent. La flambée récente de l’OAT 10 ans, remontée à 3,6% début septembre, traduit la défiance des investisseurs face à l’instabilité politique et aux tensions sur la dette souveraine. D’autre part, les marges bancaires ne permettront pas aux établissements de conserver durablement une politique tarifaire accommodante. Dans ce contexte, notre scénario central table sur une poursuite du redressement du marché des crédits à l’habitat, avec une production d’environ 200 milliards d’euros en 2027, mais cette trajectoire reste tributaire d’un environnement financier stabilisé. À l’inverse, un scénario dégradé – combinant hausse durable des taux longs et resserrement du du spread appliqué par les banques sur les taux des crédits – pourrait provoquer un nouveau retournement du marché d’ici 2027.

Face à un marché aux marges limitées, comment les acteurs peuvent-ils réduire délais et coûts mais aussi générer des revenus annexes ? 

Rappelons en préambule que le crédit immobilier est le principal produit d’appel des établissements bancaires. Dans un contexte où les marges sur le crédit immobilier sont structurellement faibles, les banques activent plusieurs leviers opérationnels et commerciaux pour renforcer leur rentabilité. La réduction des délais est un premier axe stratégique. A ce titre, le recours à l’intelligence artificielle (IA) permet d’automatiser les étapes les plus chronophages du processus d’octroi (analyse des pièces justificatives, extraction de données, détection des incohérences). BNP Paribas a ainsi déployé en 2025 un outil interne réduisant les délais d’instruction de 12 à 6 jours, avec un objectif de 3 jours en 2026 pour les dossiers simples. Chez les courtiers, Pretto traite désormais certains dossiers en moins de 24 heures. Cette automatisation abaisse les coûts unitaires de traitement et recentre les équipes sur les cas complexes.

En parallèle, les banques misent sur la diversification de leurs sources de revenus autour d’une logique de « Beyond Banking ». BPCE a créé en 2025 une ligne métier « Logement et immobilier », mobilisant 37 milliards d’euros pour des projets résidentiels et structurant une offre couvrant transaction, rénovation énergétique, investissement et assurance. Le Crédit Agricole déploie pour sa part des agences Banque-Immo intégrant services bancaires et immobiliers, facilitant le cross-selling. Les filiales immobilières, telles que Crédit Agricole Immobilier et ses 1 800 collaborateurs, génèrent quant à elles des revenus additionnels via la promotion, la gestion locative ou la rénovation.

Enfin, l’accompagnement des primo-accédants (qui représentent un peu plus de la moitié des encours des crédits immobiliers) est un axe majeur de développement. En effet, prêts bonifiés, dispositifs dédiés aux jeunes actifs ou suppression du verrou du CDI renforcent la fidélisation et favorisent la vente de produits annexes (assurance emprunteur, épargne, prévoyance) à cette cible de clientèle, gage de multi-équipement.

Quels acteurs se montrent les plus offensifs ?

Trois catégories d’acteurs se distinguent aujourd’hui par leur dynamisme et leur capacité à capter des parts de marché dans un contexte très concurrentiel.

Les groupes mutualistes restent clairement les plus offensifs, totalisant plus de 81% des encours de crédits immobiliers en 2024. Le Crédit Agricole fait la course en tête avec 33% de parts de marché, suivi de BPCE (26,2%) et du Crédit Mutuel (22%). Leur stratégie de volume, appuyée par des réseaux denses d’agences et des politiques commerciales agressives, leur permet de soutenir le marché. Y compris dans un environnement de marges comprimées.

Les banques en ligne et néobanques forment la deuxième famille d’acteurs offensifs. BoursoBank, Fortuneo et Hello Bank! accélèrent sur le crédit immobilier grâce à des parcours fluidifiés et des coûts réduits. Revolut prépare quant à elle une entrée très disruptive, avec l’ambition d’émettre une offre ferme en 24 heures pour les dossiers simples et d’avoir 20 millions de clients en France d’ici 2028. Après avoir représenté jusqu’à 50% du marché avant 2022, les courtiers n’ont pas dit leur dernier mot. Après une période de tensions, leurs relations avec les banques se normalisent. BNP Paribas, par exemple, a réactivé ses partenariats avec Meilleurtaux dès 2024 pour soutenir ses volumes. Les courtiers restent à la manœuvre en raison de leur capacité à drainer un flux important de dossiers solvables et à intégrer l’IA pour accélérer les traitements.

Cette analyse d’Aurélien Vernet est issue de l’étude Xerfi : « Le marché des crédits immobiliers d’ici 2027 – Perspectives et stratégies pour redynamiser les marges face au risque d’un nouveau retournement ». Pour vous procurer l’étude, c’est ici .

Par MySweetImmo