Agent immobilier : Peut-on vendre son propre bien immobilier ?
Un agent immobilier peut vendre un bien qu’il possède, mais à condition de respecter des règles strictes.Transparence, déontologie, sanctions… On fait le point.

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Vous êtes agent immobilier ou mandataire et vous souhaitez vendre un bien dont vous êtes propriétaire ? Que ce soit une résidence principale, un investissement locatif ou une maison de famille, la tentation de mettre votre expertise au service de votre propre projet est naturelle. Mais attention : cette démarche est strictement encadrée par la loi, la jurisprudence et le code de déontologie. Transparence, conflits d’intérêts, interdiction de se rémunérer… Voici ce que vous devez absolument savoir avant de vendre votre bien personnel en tant que professionnel de l’immobilier.
Oui, c’est possible… mais à certaines conditions
La loi n’interdit pas à un agent immobilier de vendre un bien dont il est personnellement propriétaire. C’est donc parfaitement légal — à condition néanmoins de respecter plusieurs obligations essentielles.
La première d’entre elles est une règle de bon sens, mais souvent négligée : la transparence. Si vous êtes le vendeur, vous devez le signaler clairement à l’acquéreur, dès le premier contact. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur votre position : vous n’êtes pas l’intermédiaire, mais la partie directement concernée.
Autre point fondamental : vous ne pouvez en aucun cas percevoir de commission sur cette vente. L’article 6 de la loi Hoguet, qui régit les activités des agents immobiliers, stipule que la rémunération n’est possible que lorsqu’elle est perçue pour le compte d’autrui. En clair, vous ne pouvez pas être à la fois mandataire et vendeur.
Jurisprudence, déontologie : Des garde-fous renforcés
Ces règles ne relèvent pas de la simple éthique professionnelle. Elles sont régulièrement confirmées par la jurisprudence, qui veille à protéger les acquéreurs contre toute forme de tromperie ou de conflit d’intérêts.
Dans un arrêt du 12 mars 2024, la cour d’appel de Chambéry (n° 21/01682) a rappelé que l’agent immobilier propriétaire d’un bien doit obligatoirement informer l’acquéreur de sa double qualité. Dans cette affaire, la cour a jugé que le professionnel avait perçu indûment une commission en passant un mandat avec lui-même via son agence. Un tel manquement, selon les juges, est susceptible de constituer une pratique abusive, voire frauduleuse, et peut entraîner l’annulation de la vente.
Le code de déontologie des professionnels de l’immobilier (décret n° 2015-1090 du 28 août 2015) renforce cette exigence. Son article 9 impose aux professionnels d’éviter toute situation de conflit d’intérêts, notamment lorsqu’ils interviennent à la fois comme vendeur et comme professionnel de l’immobilier, sans transparence explicite
Mandataire ou titulaire de la carte T : Quelles différences ?
La loi s’applique aussi bien aux agents immobiliers titulaires de la carte professionnelle (carte T) qu’aux mandataires indépendants, souvent agents commerciaux affiliés à un réseau. Mais les implications concrètes varient selon le statut.
Le titulaire de la carte T peut techniquement encadrer lui-même la transaction (visites, négociation, rédaction du compromis…), à condition :
- de ne percevoir aucune rémunération,
- de faire preuve de transparence à chaque étape,
- et de ne pas laisser croire qu’il agit comme simple intermédiaire mandaté.
Le mandataire immobilier, quant à lui, n’a pas le droit de signer de mandat en son nom propre, ni d’agir seul dans une transaction. Lorsqu’il vend un bien personnel, il agit donc en tant que particulier. Il ne peut pas utiliser ses outils ou supports professionnels comme s’il représentait un tiers. Là encore, il lui est strictement interdit de percevoir une commission, même de façon indirecte.
Dans les deux cas, la règle est la même : transparence totale et absence de rémunération.
Outils professionnels, sanctions et bonnes pratiques
Peut-on utiliser les moyens de son agence pour vendre son propre bien ? La réponse est oui… mais sous conditions très précises. Un agent immobilier peut mobiliser la vitrine de son agence, sa base clients, son site web, ou encore diffuser le bien via ses canaux professionnels. Mais cela n’est autorisé que si deux conditions sont remplies :
- Il doit informer clairement les acheteurs qu’il est propriétaire du bien, et non simple intermédiaire.
- Il doit éviter tout détournement des ressources de l’agence à des fins personnelles : il ne peut utiliser les moyens humains ou financiers de la structure que si cela est autorisé par ses associés ou dirigeants. À défaut, cela pourrait être requalifié en abus de biens sociaux ou abus de confiance.
Les risques encourus en cas de manquement sont multiples :
- Sur le plan civil, l’acheteur peut demander l’annulation de la vente pour dol ou vice du consentement, voire réclamer des dommages-intérêts.
- Sur le plan pénal, les sanctions peuvent aller jusqu’à 7 500 € d’amende et six mois d’emprisonnement, en cas de pratique commerciale trompeuse.
- Enfin, sur le plan professionnel, les chambres de commerce ou instances ordinales peuvent prononcer des sanctions disciplinaires, allant du simple blâme au retrait de la carte professionnelle.
Pour toutes ces raisons, de nombreux professionnels choisissent de confier la vente de leur bien à un confrère, afin de garantir la neutralité du processus et de se prémunir de tout litige. Une précaution simple, mais souvent salutaire.
Pros de l’immo : Ce qu’il faut retenir
- Oui, un agent immobilier ou un mandataire peut vendre un bien dont il est propriétaire.
- Mais il doit impérativement déclarer sa qualité de vendeur et ne jamais percevoir de commission.
- Toute dissimulation ou usage inapproprié des moyens de l’agence peut entraîner l’annulation de la vente, des sanctions pénales, voire disciplinaires.
- Pour éviter tout conflit d’intérêts, passer par un tiers professionnel reste la meilleure option.