Immobilier : « L’inexorable érosion du parc locatif privé en France », François Moerlen
François Moerlen, fondateur de Locagestion, alerte sur la raréfaction du parc locatif privé dans une tribune exclusive pour MySweetImmo.

© Sylvain Gelineau
François Moerlen, fondateur de Locagestion
Pour les français en quête d’une location, l’été 2025 a été le théâtre de l’une des pires périodes de l’histoire moderne.Etudiants, jeunes actifs, salariés en mobilité : toutes les catégories de candidats locataires ont été affectées par la raréfaction de l’offre. Et ce n’est qu’un début.
Les locataires s’accrochent
En premier lieu, la mobilité des locataires en place s’est sensiblement ralentie. Depuis le second semestre 2024, les professionnels reçoivent les lettres congé au compte-goutte.
Les agences sont confrontées au phénomène des annulations ou de report de préavis des locataires, faute de pouvoir conclure un nouveau bail. Par conséquent, la durée moyenne d’occupation estimée à 4,3 ans tend à s’allonger au-delà de 5 ans. Cela représente environ 20% d’offres en moins sur la période.
De quoi justifier la diminution du nombre d’annonces, constatée par des grands portails.
Parallèlement, le nombre de projets d’achat a diminué au rythme des ventes. Moins 30% de transactions, ce sont pour une large part, autant de primo accédants locataires qui renoncent à devenir propriétaires. Ce sont autant de ménages qui sont restés dans leur logement, et ne libèrent pas les biens qui auraient habituellement bénéficié aux nouveaux arrivants.
La situation n’est pas bonne, mais cache une autre réalité bien plus grave.
Les bailleurs se dérobent
Pendant que nos politiques pérorent sur la meilleure façon de plumer le bailleur, l’oiseau finit par s’envoler. Après 30 ans d’appétence pour un placement jugé fiable, pérenne et utile à la constitution d’un patrimoine sécurisé, voici que l’empilement des contraintes, obligations, encadrements et taxes en tous genres, sera venu à bout d’une rentabilité qui n’existait déjà plus que par l’espérance d’une plus-value future.
Le marché du neuf, qui concernait environ 90 000 ventes aux investisseurs, est tombé à 10 000, sous le coup de la disparition des dispositifs de défiscalisation.
On peut donc estimer à 80 000 par an, le déficit de nouveaux logements qui seront mis à disposition des candidats locataires.
Mais comme cela ne suffisait pas, la dernière fenêtre d’opportunité immobilière se referma, avec la soumission à imposition sur la plus-value, de la part d’amortissement sur les logements loués en meublé. Le résultat ne s’est pas fait attendre.
Confrontés à l’augmentation de la fiscalité, et à l’obligation de réaliser des travaux, un quart des bailleurs choisissent la mise en vente de leur bien, au moment du départ du locataire.
Ce phénomène représente une perte d’environ 200 000 logements, qui sortent du parc locatif ancien chaque année, sous l’effet du désengagement des bailleurs.
Une érosion de 3% par an
Ce qui se trame est donc bien loin d’un simple blocage du marché. Avec la perte nette de 280 000 logements, le stock du parc locatif privé a vocation à se réduire de 3% par an. L’assouplissement bienvenu des critères de décence énergétique, et le durcissement des conditions de location de courte durée, ne compensera pas la raréfaction des projets de construction et la diminution du taux de mobilité.
Le déséquilibre entre l’offre et la demande de logement, ne peut que s’accentuer.
Côté demande, quand bien même la dynamique démographique s’inverserait, la diminution programmée de la population française ne compensera pas l’augmentation du nombre de foyers, dues aux nouveaux modes de vie.
Côté offre, il conviendrait de desserrer d’urgence les contraintes qui pèsent sur le dos des bailleurs, et de restaurer le modèle économique de l’investissement, au travers de la création du statut du bailleur privé. Mais cela ne compensera par l’attrition des livraisons dans le neuf.
En attendant, ce déséquilibre pousse inexorablement les taux d’occupation et le niveau des loyers vers le haut ; une aubaine pour les propriétaires qui résisteront à la tentation de Venise.
Mais combien en restera-t-il à la fin ?