Saga de l’été : Saint-Malo, la fortification d’une ville portuaire
La saga de l’été, initiée par le Crédit Foncier avec sa série « Petites histoires des grandes vacances » nous emmène à la découverte des lieux emblématiques des grandes vacances à la française, continue. Cette semaine : Saint-Malo, la fortification d’une ville portuaire.
En France, Vauban est quasiment synonyme de fortifications. Durant trois décennies, il a remanié ou érigé plus de 150 places fortes. D’abord commissaire général des fortifications pour les frontières terrestres puis pour tout le royaume de France, il a également joué un grand rôle dans le réaménagement ou la construction d’ouvrages défensifs sur le littoral breton.
Le contexte : d’où viennent les fortifications ?
De tous temps, les hommes ont aménagé des fortifications, palissades en bois ou en terre, pour se protéger de la faune sauvage, mais aussi d’ennemis extérieurs à la recherche de nouveaux territoires de chasse et de cueillette. L’invention de la brique crue, mélange de terre et de paille, a permis la construction de véritables murs, plus difficilement franchissables. Aussi loin que nos connaissances historiques nous amènent : en Égypte, en Assyrie et plus tard en Grèce et à Rome, on choisit de bâtir de préférence les cités fortifiées sur des collines d’où l’on pouvait voir l’ennemi du plus loin.
Après la chute de l’Empire romain, durant le millénaire qu’on appelle le Moyen Âge en Europe, les fortifications se généralisent sous le nom de châteaux forts qui deviennent à la fois l’instrument du pouvoir seigneurial et l’emblème du régime féodal.
Les premiers châteaux forts sont constitués d’une succession de palissades au sommet desquelles trône le donjon, demeure du seigneur et de sa famille. Dès la fin du XIe siècle, la pierre succède au bois et le donjon perd son emplacement central pour être incorporé à l’enceinte du château. Au fil du temps, et de l’accroissement de la population, apparurent des villes libres ou franches, c’est-à-dire délivrées de la tutelle du seigneur, qui se protègent elles-mêmes par leurs propres fortifications. Cette invulnérabilité des châteaux et des cités médiévales s’amenuisera au gré des progrès de l’artillerie, notamment de l’invention du canon et des boulets de métal. L’ère industrielle sonnera définitivement le glas des fortifications.
La fortification de Saint-Malo
Ville portuaire posée sur un rocher, Saint-Malo se voit doter de ses premières fortifications au XIIe siècle. Elles seront une première fois remaniées au XIVe siècle au cours de la Guerre de Succession de Bretagne. Au XVe siècle, la conquête de terres lointaines et le développement des échanges commerciaux qui s’ensuivent vont assurer la prospérité de la ville de Saint-Malo. C’est également la période dite « de courses » durant laquelle les corsaires malouins, munis de leur lettre de marque, sillonnaient les mers afin d’entraver le commerce ennemi. Le déclenchement de la guerre de la Ligue d’Augsbourg en 1688, qui peut être considéré comme le premier conflit intercontinental de l’histoire, imposa de défendre la Bretagne puisque le conflit s’étendait aux colons anglais et français d’Amérique du nord. Louis XIV chargea donc Vauban de renforcer les fortifications de Saint-Malo.
Disparu en 1707, celui-ci ne vit pas l’achèvement de son œuvre, pourtant bien avancée après près de vingt ans de travaux. La ville lui doit le renforcement de l’enceinte médiévale ainsi que l’édification de quatre forts sur les îlots de la baie : le fort Royal (actuel fort National), les forts du Grand Bé et du Petit Bé et le fort de la Varde. Massivement bombardée par les anglo-américains en août 1944, Saint-Malo fut détruite aux trois quarts. Sa reconstruction, suivant les plans de Louis Arretche, nommé architecte en chef, ne fut achevée qu’en 1960. Aujourd’hui, une quarantaine d’ouvrages fortifiés situés sur le littoral breton sont classés auprès des monuments historiques. Ce sont des ports de commerce ou de guerre, Saint-Malo, Brest, Concarneau, des anciennes places stratégiques ou des forts qui protégeaient autrefois l’entrée d’une baie ou des îles au large.
Et en même temps …
Belle-Île
Vauban va y remanier les fortifications édifiées par la famille de Rohan en 1549. Ce qui n’empêchera toutefois pas la prise de sa citadelle par les anglais en 1761, durant la guerre de sept ans.
Port-Louis
Cette ville disposait déjà d’un fort bastionné quadrangulaire, Vauban se contentera d’y rajouter une armurerie et une poudrière.
Brest
Entre 1683 et 1695, Vauban va entreprendre des travaux sur le château qui domine cette ville. Ce dernier avait été renforcé et modernisé sous Colbert, améliorant la défense de l’entrée du port. Vauban va le transformer en véritable citadelle afin de le rendre également imprenable par voie terrestre.
Morlaix
Vauban va agrandir le château du Taureau construit en 1542 sur un îlot rocheux afin de préserver ses habitants des attaques britanniques.
Camaret-sur-Mer
Vauban va y édifier la tour Dorée en 1693 afin de défendre le goulet de Brest. Elle a d’ailleurs permis de bouter les anglo-hollandais hors de la rade de Brest en 1694.
En toute indiscrétion
Fierté et esprit indépendant
En 1590, la ville proclame son indépendance, maintenue pendant 4 ans, en devenant la République de Saint-Malo. De cet évènement, naît le dicton : « Ni Français, ni Breton, Malouin suis ».
Surcouf et les prussiens
En 1815, au pied du fort National, Surcouf combattit 12 Prussiens et face à cet exploit, sauva la vie du dernier lui disant « Je vous épargne, Monsieur, car il me faut un témoin ».
Esprit celte
Saint-Malo doit son nom à Mac Law, évangéliste gallois qui s’y est installé autour de VIe siècle.
Rue du chat qui danse
Elle doit son nom aux Anglais qui, en 1683, ont envoyé un navire chargé d’explosifs afin de détruire la ville. Ils avaient malheureusement oublié de regarder l’heure de la marée et l’explosion se fit contre un rocher, ne tuant qu’un chat.
Les dogues de Saint-Malo
La ville de Saint-Malo a longtemps été gardée par des chiens de guet, des dogues, chargés de faire respecter le couvre-feu. On retrouve les traces de cette histoire sur le blason de la ville.
Le regard de Jean-François Grazi, Directeur de la publication de Business Immo
Vauban a laissé son empreinte sur l’ensemble du territoire français. Son œuvre, bien que militaire, a inspiré et inspirera encore de nombreux architectes du monde entier. Il faut aussi se rappeler que Vauban, soucieux de protéger le territoire, s’est attaqué à la fortification de zones délicates, que sont les paysages maritimes et montagneux. Les réalisations de Vauban à Saint-Malo sont caractéristiques de son travail et de sa vision des forteresses maritimes. En effet, au-delà des remparts, il a édifié des forts sur les îlots et les rochers en mer, afin de contrôler les passages. Le Comité du patrimoine mondial ne s’y est d’ailleurs pas trompé, en décidant de classer les fortifications de Vauban sur la prestigieuse liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, en 2008. Au-delà de la reconnaissance de ce patrimoine militaire hors norme, cela traduit également l’importance que nous accordons à la conservation de notre patrimoine. S’il est source d’inspiration, il représente également un véritable intérêt historique et identitaire.