Impayés de loyers, inflation… La fin de la trêve hivernale fait redouter une hausse des expulsions

Les associations redoutent une multiplication des expulsions de locataires pour cause d’impayés de loyers, l’inflation ayant mis à mal le budget des plus modestes.

Couple ayant des difficultés financière en train de faire des calculs avec une calculatrice et un crayon à papier.

© adobestock

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La fin de la trêve hivernale ce vendredi 31 mars, synonyme d’angoisse pour des milliers de familles: les associations redoutent une multiplication des expulsions de locataires pour cause d’impayés de loyers, l’inflation ayant mis à mal le budget des plus modestes.

Il sera de nouveau possible d’expulser des locataires de leur logement à partir de samedi, après cinq mois d’interdiction de cette mesure, sauf exceptions, imposée par la loi.

En 2020 et en 2021, la période de trêve avait été prolongée en raison de la crise du Covid, diminuant nettement le nombre d’expulsions : 8.100 en 2020 et 12.000 en 2021, contre 16.700 en 2019, d’après les dernières données disponibles. Celles de 2022 ne sont pas encore connues.

Les associations craignent à présent que le nombre d’expulsions reparte à la hausse, du fait de la « précarisation » des ménages modestes en raison de l’inflation.

« L’augmentation des prix des produits alimentaires et de l’énergie a vraiment fragilisé les ménages, ce qui peut occasionner des impayés de loyer », explique auprès de l’AFP Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, qui demande un triplement du chèque énergie et une hausse des APL pour soutenir les plus modestes.

« A l’euro près »

La Fondation Abbé Pierre alerte notamment sur de premiers « signaux très inquiétants« , citant les données d’une récente étude de l’Union sociale pour l’habitat, qui représente les bailleurs sociaux.

D’après celle-ci, « près de la moitié » des organismes HLM ont enregistré en décembre dernier « une hausse de plus de 10% » du nombre de ménages en retard de paiement de loyer de plus de trois mois, par rapport à un an plus tôt.

Contacté par l’AFP, le ministère du Logement a indiqué qu’il allait « réunir un Observatoire des impayés en avril pour analyser les dynamiques » et l’effet des mesures en place, comme le bouclier tarifaire limitant la hausse des prix de l’énergie.

Les ménages les plus modestes « ont un budget à l’euro près, ils n’ont pas de marge de manoeuvre pour faire face aux hausses de prix« , même si elles sont limitées par certaines aides, souligne auprès de l’AFP Nathalie Latour, directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe des centaines d’associations de lutte contre l’exclusion.

« Certains se privent de manger pour pouvoir continuer à payer leur loyer et conserver leur logement, tant c’est primordial« , ajoute-t-elle.

Oriane (prénom d’emprunt), par exemple, ne fait qu’un repas par jour. Ses revenus lui servent à payer en priorité son bailleur afin « de ne pas aggraver » sa dette locative.

Cette trentenaire, qui vit en région parisienne, n’est pas parvenue à régler son loyer pendant plusieurs mois, après avoir arrêté de travailler en raison de son état de santé. Son bailleur a engagé une procédure.

Elle risque à présent l’expulsion, malgré sa reprise des paiements. « Je suis angoissée, aujourd’hui j’ai zéro solution, je ne vois pas le bout du tunnel », témoigne-t-elle auprès de l’AFP.

Parvenir à se reloger reste un casse-tête pour les ménages précaires. Selon une étude de la Fondation Abbé Pierre portant sur 66 ménages expulsés, 32% d’entre eux n’avaient pas retrouvé de logement fixe un à trois ans après.

Risque d’accélération

Autre sujet d’inquiétude pour les associations : l’effet potentiel de la proposition de loi du député macroniste Guillaume Kasbarian, examinée actuellement en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Elle prévoit de durcir les sanctions contre les squatteurs et d’accélérer les procédures en cas de loyers impayés.

Pour Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l’association Droit au logement (DAL), il s’agit d’un texte « cruel, d’une grande brutalité sociale« . « S’il est adopté, il fragilisera la prévention des expulsions, les mécanismes actuels ne pourront plus fonctionner et les choses iront beaucoup plus vite », déplore-t-il auprès de l’AFP.

L’adoption de cette proposition de loi risque ainsi de se traduire par une hausse du nombre de ménages expulsés, s’inquiètent les associations.

Le DAL organise un rassemblement samedi à 15H00 place de la Bastille, à Paris, pour dénoncer ce texte et défendre plus largement le droit au logement pour tous.

Par MySweetImmo avec AFP