Immobilier : 10 questions pour comprendre la taxe Zucman et ses effet sur les (très) très gros patrimoines
Ultra-riches, fiscalité, stratégie patrimoniale… Alors que les socialistes portent la mesure ce mercredi à Matignon, cette proposition d’impôt mondial revient dans le débat. Et l’immobilier pourrait bien être en première ligne.

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Le patrimoine immobilier serait concerné par la taxe Zucman
La « taxe Zucman », du nom de l’économiste français Gabriel Zucman, agite le débat politique en cette rentrée 2025. Portée par la gauche comme un levier de justice fiscale, cette proposition vise les ultra-riches — y compris ceux dont le patrimoine est largement investi dans l’immobilier. Voici tout ce qu’il faut savoir.
1. Comment fonctionnerait la taxe Zucman ?
La taxe Zucman consisterait en un impôt plancher de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros, proposé à l’échelle internationale. Contrairement à l’IFI (impôt sur la fortune immobilière), cette taxe intégrerait l’ensemble du patrimoine mondial : actions, biens immobiliers, participations, œuvres d’art, etc.
Si un contribuable très fortuné paie moins de 2 % d’impôts en tout (IR, CSG, IFI…), il serait redevable de la différence pour atteindre ce seuil minimal. L’objectif est de créer un plancher commun, afin d’éviter que les plus grandes fortunes paient proportionnellement moins d’impôts que les classes moyennes.
2. Pourquoi revient-elle dans le débat budgétaire ?
La gauche, et en particulier le PS, en fait un préalable aux négociations budgétaires avec le gouvernement. Dans un contexte de déficit public élevé et de recherche de nouvelles recettes, cette mesure apparaît comme un totem pour la gauche et un épouvantail pour la droite. Gabriel Zucman défend la mesure comme un outil de justice fiscale et une réponse à l’optimisation fiscale internationale.
3. Qui paierait cet impôt en France ?
Environ 1 800 foyers fiscaux sont concernés, soit 0,01 % des contribuables. Autrement dit : les milliardaires et les patrimoins supérieurs à 100 millions d’euris dont une part importante détient des actifs immobiliers de prestige.
Les investisseurs classiques, même très aisés, ne sont pas visés. Le seuil reste extrêmement élevé (100 M€ de patrimoine net).
4. Combien pourrait-elle la taxe Zucman ?
Les estimations varient fortement. Gabriel Zucman évoque 20 milliards d’euros de recettes annuelles, un montant qui représenterait une manne bienvenue pour le budget de l’État, compte tenu des difficultés des gouvernements successifs à réduire le déficit public. Mais d’autres experts contestent ce rendement, estimant plutôt les gains à 5 milliards d’euros, soit quatre fois moins…
Dans une tribune au journal Le Monde, plusieurs économistes pointent notamment des « effets comportementaux » susceptibles de limiter les recettes en raison d’un risque d’exil ou d’optimisation fiscale de certains contribuables, sur la base d’une note du Conseil d’analyse économique (CAE).
Il est « faux de dire que la note du CAE permet de conclure qu’une taxe Zucman ne rapporterait que 5 milliards d’euros« , nuance à l’AFP Camille Landais, professeur à la London School of Economics (LSE) et l’un des auteurs de la note. Selon lui, il n’existe « pas de certitude » sur le montant exact du rendement d’un tel impôt.
5. Pourquoi l’immobilier de luxe est-il directement concerné ?
L’immobilier ferait partie intégrante de l’assiette fiscale : résidences principales haut de gamme, résidences secondaires, foncières familiales, parcs locatifs patrimoniaux…
Certaines familles pourraient être amenées à revoir leur stratégie de détention, voire à céder des actifs pour financer l’impôt.
6. Faut-il inclure les biens professionnels et les holdings dans l’assiette de l’impôt ?
C’est l’un des points les plus sensibles du débat. Gabriel Zucman plaide pour inclure les biens professionnels dans l’assiette de la taxe afin de ne pas reproduire les exonérations qui avaient réduit l’efficacité de l’ISF, lequel rapportait environ 5 milliards d’euros par an tout en excluant les actions et parts d’entreprises.
Cette inclusion viserait aussi à éviter que les très hauts patrimoines logent leurs actifs dans des holdings où les bénéfices peuvent être capitalisés sans jamais être taxés. Selon la DGFiP, pour les 0,1 % des foyers les plus fortunés (patrimoine immobilier supérieur à 2,7 M€), les revenus de capitaux mobiliers représentent près de la moitié des revenus totaux en 2022.
Mais la mesure fait débat. Le Medef prévient qu’elle reviendrait à taxer l’outil de travail et risquerait de freiner l’investissement et l’emploi. Dans la French Tech, certains fondateurs soulignent que les actions de startups sont souvent illiquides et que l’impôt pourrait les contraindre à céder du capital, au risque de pénaliser l’innovation.
Pour répondre à cette difficulté, Gabriel Zucman propose un paiement en nature, sous forme d’actions, pour les cas où la trésorerie ne permet pas de payer l’impôt. Mais cette solution, qui ne génèrerait pas de recettes immédiates, inquiète une partie des investisseurs.
7. La mesure inquiète-t-elle les chefs d’entreprise ?
Oui. Le Medef avertit qu’une telle mesure reviendrait à taxer l’outil de travail et risquerait de freiner l’investissement et l’emploi. Les organisations patronales plaident pour que les biens professionnels soient exclus, au risque sinon de décourager les transmissions et les investissements productifs.
8. Quel impact pour les startups et l’innovation ?
Dans la French Tech, certains fondateurs soulignent que les actions de startups sont souvent illiquides et qu’un impôt annuel sur le patrimoine pourrait les contraindre à céder du capital, au risque de ralentir la croissance et l’innovation.
Arthur Mensch, patron de Mistral AI, a reconnu sur France 2 qu’il ne pourrait pas payer une telle taxe en l’état, tout en se disant favorable à plus de justice fiscale.
Maya Noël, directrice générale de France Digital, citée par l’AFP, estime que Gabriel Zucman méconnaît certaines mécaniques économiques, notamment le lien entre fiscalité et innovation.
Pour répondre à ces critiques, Zucman propose un paiement en nature sous forme d’actions. Mais cette solution, qui ne génère pas de liquidités pour l’État, inquiète certains investisseurs.
9. La taxe Zucman peut-elle être censurée par le Conseil constitutionnel ?
Certains juristes alertent sur le risque de voir une telle taxe retoquée par les Sages.
L’histoire récente plaide pour la prudence : en 2012, la taxe de 75 % sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros, promesse de campagne de François Hollande, avait été invalidée par le Conseil constitutionnel, qui jugeait qu’elle méconnaissait le principe d’égalité devant les charges publiques.
Le Conseil avait également censuré certaines modalités de calcul du plafonnement de l’ISF, notamment l’intégration de revenus non réalisés.
10. Quand pourrait-elle entrer en vigueur ?
Pour l’heure, la taxe Zucman reste une proposition académique et politique. Elle n’est ni inscrite dans un projet de loi, ni mise à l’agenda du gouvernement. Cependant, plus de 130 pays l’ont soutenue lors du G20, et l’OCDE pourrait s’en emparer pour en faire un standard international, à l’image de la taxe minimale sur les multinationales. En France, la question pourrait revenir dans les débats budgétaires dès 2026.
Ce qu’il faut retenir sur la taxe Zucman
- Taux proposé : 2 % d’impôt minimal sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros
- Nombre de foyers concernés : environ 1 800
- Actifs inclus : immobilier, actions, comptes bancaires, œuvres d’art
- Objectif : réduire les écarts d’imposition entre très riches et classes moyennes
- Débat : rendement incertain, taxation des biens professionnels, risque de censure constitutionnelle, effets sur l’innovation
Bon à savoir : Cette taxe ne remplacerait pas l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), mais viendrait s’ajouter à l’ensemble des prélèvements. Seule la part non couverte par l’IFI, l’IR ou la CSG serait due.