A Vaulx-en-Velin, choc et interrogations après un terrible incendie meurtrier
« On se dit que ça n’arrive qu’aux autres mais aujourd’hui les autres c’est nous »: les habitants de Vaulx-en-Velin, près de Lyon, étaient anéantis vendredi après l’incendie meurtrier d’un immeuble, dont l’état de dégradation est pointé du doigt.
Dix morts, dont cinq enfants de 3 à 15 ans, et quatre personnes grièvement blessées dans la nuit de jeudi à vendredi: le bilan est terrible et l’émotion très vive dans le quartier du Mas du Taureau, alignement de barres d’immeubles ceintes de parkings et de rares espaces verts dépouillés.
« Le feu a pris au rez-de-chaussée et est monté dans les étages, ma cousine est restée coincée et reste portée disparue, on attend que les policiers et pompiers nous disent si elle est sur la liste des personnes décédées« , confie Murat Kara, un habitant du quartier venu à l’espace Benoît Frachon, une salle polyvalente où sont pris en charge les proches des victimes.
« Son mari s’est jeté du balcon du 2e étage, il est à l’hôpital avec le bras cassé« , poursuit péniblement M. Kara, visiblement très secoué.
Devant l’immeuble de sept étages du 12 chemin des Barques, de nombreux riverains se sont pressés tôt vendredi face au cordon policier, ne masquant pas leur angoisse sur le sort de proches ou amis.
« J’ai des clients dans ce bâtiment, ça fait mal, c’est bouleversant. On a tendance à se dire ça n’arrive qu’aux autres mais aujourd’hui les autres c’est nous, nos enfants, nos frères, nos soeurs« , témoigne Zenoudine H., livreur à domicile de 32 ans.
« J’ai essayé d’appeler un de mes clients du 12 mais il n’a pas répondu. C’est l’angoisse« , poursuit-il, emmitouflé dans une parka.
Assed Belal, un habitant du quartier de 19 ans, se trouvait sur place pendant l’incendie.
« J’ai entendu des gens crier +au secours, au secours, au secours, aidez-nous+. Il y avait des gens par terre, d’autres bloqués sur les balcons et les pompiers avaient du mal à intervenir à cause des arbres« .
« Mes amis m’ont dit qu’ils avaient réussi à rattraper un jeune de dix ans »: sa mère, réfugiée sur un balcon au troisième ou au quatrième étage, l’a « jeté pour le sauver« .
« Immeuble délaissé »
La façade de l’immeuble blanc, à peine noircie, ne trahit pas le drame survenu vers 03H00. Les pompiers sont intervenus rapidement mais sans pouvoir empêcher l’irréparable.
« Un de mes élèves m’a dit ce matin que son cousin avait sauté par la fenêtre du 2e étage. Les gens sont choqués, un des voisins de mes parents m’a dit que sa fille de 20 ans était dans l’immeuble et qu’il n’a toujours pas de nouvelles« , rapporte Samir, professeur de mathématiques au lycée professionnel voisin des Canuts.
« A 50 mètres, il y a l’école primaire Jean-Vilar. Je n’ose même pas imaginer mes collègues profs qui faisaient l’appel ce matin et qui ont dû dire à des gamins de quatre, cinq, dix ans qu’il y a eu des problèmes à côté et que…«
Sous le froid mordant, de nombreuses rumeurs circulent déjà parmi les riverains, notamment sur la responsabilité des occupants d’un point de deal à l’entrée de l’immeuble.
Feu de canapé, de poubelles, problème de chaudière, lampe défectueuse: les pistes potentielles sont nombreuses, mais l’état de l’immeuble est au coeur des récriminations des Vaudais dont certains ont directement interpellé la maire socialiste Hélène Geoffroy.
« L’immeuble était délaissé, les portes étaient tout le temps ouvertes en bas (…) Ca ne m’étonnerait pas que ça ait pris feu à cause de cette négligence et du matériel vieillissant« , peste Zenoudine.
« Toutes les conditions étaient réunies pour une catastrophe« , abonde Souhil Zaidi, agent immobilier de 54 ans.
« C‘est le genre d’immeuble où des gens achètent et louent à des personnes qui ne peuvent pas louer ailleurs, qui ne participent pas aux assemblées et donc tout se dégrade, rien n’est réparé. Vous montez dans un de ces ascenseurs, eh bien vous prenez peur« , assure-t-il.
« Beaucoup de locataires s’attendaient à ce genre de catastrophe. Je connais des gens qui sont partis parce que c’était invivable« , confirme Murat Kara.
Dans un communiqué, la métropole a confirmé que l’immeuble faisait partie d’un ensemble de copropriétés « dégradées » pour lesquelles elle avait voté en janvier un plan de sauvegarde.
« On espère que cette médiatisation va faire bouger les choses. Là le préfet et les autres vont venir faire leur show, mais en vrai on a l’impression qu’ils n’en ont strictement rien à faire« , râle Zenoudine.