Immobilier : La loi Kasbarian contre les squats et les loyers impayés est définitivement adoptée au Parlement

Le Parlement a définitivement adopté mercredi soir, par un dernier vote du Sénat, une proposition de loi de la majorité présidentielle durcissant les peines contre les squatteurs qui inquiète la gauche et les associations de lutte contre le mal-logement.

Vue exterieure de la faaade du Palais du Luxembourg, siege du Senat.

© adobestock

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Les sénateurs ont validé en deuxième lecture, sans modifications, la version votée par l’Assemblée nationale début avril.

Le vote sur ce texte, qui accélère par ailleurs les procédures en cas de loyers impayés, a été acquis par 248 voix contre 91, malgré un baroud d’honneur de la gauche.

Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a défendu une rédaction « équilibrée, parce qu’elle renforce les droits des propriétaires sans remettre en cause la protection des occupants de bonne foi ».

La proposition de loi « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite » du député Guillaume Kasbarian (Renaissance) est sur le métier depuis fin 2022, à la suite de plusieurs affaires fortement médiatisées de squat de logements.

« Le squat est un viol de l’intimité et nous souhaitons qu’il soit réprimé sans faiblesse », a déclaré Dominique Estrosi Sassone. La sénatrice LR est l’auteure d’une proposition de loi pour garantir la propriété immobilière contre le squat qu’avait adoptée le Sénat début 2021.

Jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 euros d’amendes pour les squatteurs

La proposition de loi Kasbarian triple les sanctions encourues par les squatteurs jusqu’à 3 ans de prison et 45.000 euros d’amende.

Selon un ajout des sénateurs en première lecture, le juge ne pourra plus accorder de délais aux squatteurs dont l’expulsion a été judiciairement ordonnée.

Un nouveau délit est créé, punissant d’une amende de 3.750 euros la propagande ou la publicité en faveur de méthodes encourageant la violation d’un domicile.

La proposition de loi accélère par ailleurs les procédures en cas de loyers impayés. Il est prévu notamment de manière systématique dans les contrats de bail une « clause de résiliation de plein droit« .

Activer cette clause permettra à un propriétaire d’obtenir la résiliation du bail sans avoir à engager une action en justice et de pouvoir ainsi obtenir plus rapidement une expulsion.

Un article issu du Sénat visant « à équilibrer le texte en renforçant l’accompagnement social des locataires en difficulté » a été conservé par les députés.

Criminalisation de la pauvreté dénonce la gauche et les associations contre le mal logement

Mais le texte reste inacceptable pour la gauche. Le groupe CRCE à majorité communiste a défendu sans succès une motion de rejet en bloc du texte, « véritable criminalisation de la pauvreté« , selon Pascal Savoldelli, « une offensive contre les locataires et contre les plus démunis » pour Marie-Noëlle Lienemann.

L’association Droit au logement (Dal) avait appelé à un rassemblement en fin d’après-midi devant le Sénat, sous le slogan « Se loger n’est pas un crime c’est un droit!« 

Dans son rapport annuel, la Fondation Abbé-Pierre a estimé à 330.000 le nombre de personnes sans domicile en France. Soit 30.000 de plus que l’année précédente.

Le nombre de ménages demandeurs d’un logement social n’a jamais été aussi élevé (2,42 millions).

« Appliquer ce texte à la lettre pourrait doubler le nombre de personnes sans domicile« , a déclaré l’écologiste Guy Benarroche, citant le Secours catholique.

Pour le socialiste Denis Bouad, la proposition de loi « semble symbolique d’un certain aveuglement vis-à-vis de la crise du logement« .

Le ministre chargé du Logement, Olivier Klein, a concédé récemment qu’il y avait « un risque de bombe sociale » lié à la violente crise du secteur.

« Cette proposition de loi n’a jamais eu pour objectif de résoudre la crise du logement dans notre pays, mais elle permet de lutter contre les abus, contre ceux qui profitent du système et arnaquent les petites gens« , a-t-il dit au Sénat.

La Première ministre Elisabeth Borne a annoncé au début du mois plusieurs mesures pour tenter d’endiguer la crise, sans convaincre. Le délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, Christophe Robert, a évoqué un sentiment de « gueule de bois » après six mois de travail du Conseil national de la refondation (CNR) sur le logement.

« Un rééquilibrage des droits et devoirs entre locataires et propriétaires », Loïc Cantin (FNAIM)

La FNAIM salue l’adoption de la Proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, reconnaissant que ce texte est un premier pas pour une plus grande protection et rendre un peu de confiance aux propriétaires bailleurs (souvent des petits propriétaires – deux tiers des bailleurs louent un seul logement).

« Cela permet un rééquilibrage des droits et devoirs entre locataires et propriétaires, et permet une réassurance auprès des bailleurs, en particulier au moment de la période de vacance entre deux locations.

Nous remercions le député Guillaume Kasbarian pour son engagement et la sénatrice Dominique Estrosi-Sassone d’avoir entendu notre proposition, visant à améliorer l’indemnisation des propriétaires en cas de refus d’octroi de la force publique pour une expulsion. Nous espérons maintenant que ce texte passera les Fourches caudines du Conseil constitutionnel sans être dénaturé de son sens et de ses avancés. » réagit Loïc Cantin, président de la FNAIM.

« C’est à l’état et aux collectivités de trouver des solutions acceptables pour tous », Eric Allouche (ERA)

Le problème ne vient pas des sanctions contre les squats : il me semble que, sauf à de très rares exceptions, tout le monde est d’accord pour les interdire et les sanctionner.

La vraie problématique est, d’une part, celle des expulsions des locataires titulaires d’un bail régulier et de bonne foi, qui ne peuvent, réellement, pas payer leur loyer et, d’autre part, des propriétaires qui ont besoin de percevoir leur loyer et le droit légitime de se faire payer.

La crainte des détracteurs de cette nouvelle disposition vient, me semble-t-il, de la peur que ce renforcement des sanctions peut entraîner pour ces locataires de bonne foi qui n’ont, parfois, pas d’autre solution que de rester dans les lieux. Il faut éviter les dérives à ce sujet et agir avec discernement.

Mais la solution ne peut-être de maintenir dans les lieux un locataire qui ne paie pas son loyer, en lui permettant de rester dans le logement aux frais du propriétaire.

C’est à l’état et aux collectivités locales d’aider socialement ces locataires de bonne foi et de trouver des solutions acceptables pour tous.

Et n’oublions pas que le professionnel de l’immobilier, en charge de la gestion du bien immobilier loué peut-être, en cas d’impayé, d’une aide précieuse afin de tenter de concilier les parties et d’assister les parties concernées afin de trouver une solution moins radicale qu’une expulsion. »

Par MySweetImmo avec AFP