Immobilier : La construction individuelle, un rêve français qui s’éloigne
Le marché de la construction de maisons individuelles est dans la tourmente, les faillite de constructeurs s’enchainent, et rien ne permet d’envisager un rebond. Pour beaucoup de ménages, c’est le rêve français qui s’éloigne. L’analyse de la situation avec ADEQUATION.

© adobestock
AST Groupe, troisième constructeur français de maisons individuelles, vient d’être placé en redressement judiciaire. C’est le dernier épisode en date d’une crise qui s’accentue mois après mois, et qui a déjà vu la liquidation de Geoxia (Maisons Phénix) en 2022 et celle de plusieurs entreprises régionales telles que Maisons Kervran en Bretagne et Batidur en Nouvelle Aquitaine.
Vingt ans de contraction du marché
Ces faillites d’entreprises interviennent dans un contexte de crise générale de l’immobilier, mais aussi sur fond de baisse quasi continue de la production de maisons individuelles depuis près de 20 ans. Il se construisait chaque année en France entre 200 000 et 250 000 maisons individuelles neuves durant la première moitié des années 2000. Le pic a été atteint fin 2006, avec presque 260 000 logements neufs construits.
“La crise de 2007-2008 a porté un sérieux coup d’arrêt à la construction individuelle qui, malgré un rebond ponctuel en 2010-2011, s’est installée à un niveau à peine supérieur à 150.000 maisons individuelles sur la période 2010-2019. Après un léger rebond en 2022 (170.000 maisons), les volumes se sont effondrés à 10.000 sur une année glissante (à fin juillet 2024). Ils ont ainsi été divisés par 2,6 depuis 2006”, explique Olivier Conus, directeur des partenariats ADEQUATION spécialiste de l’analyse et de l’observation des marchés immobiliers résidentiels.
Le segment le plus touché est celui de l’individuel pur, soit « une maison = un permis de construire », déposé par un particulier. Celui de l’individuel groupé a été moins affecté par cette baisse. Dans ce cas, c’est un opérateur immobilier, promoteur ou bailleur social, qui dépose un permis de construire unique pour un ensemble de maisons, isolées, jumelées ou en bande. Ce segment n’a reculé que de -6 % depuis le début des années 2000, contre -58 % pour l’individuel pur.

La construction résidentielle neuve en collectif s’étant mieux maintenue, la part de l’individuel dans le neuf a nettement diminué, passant de 62% au début des années 2000 à désormais moins de 40%. C’est en 2012 que la construction sous forme de logement en collectif est devenue majoritaire en France.

Une trajectoire en partie similaire à celle de la promotion immobilière
La construction individuelle a connu des évolutions relativement similaires à celles de la promotion immobilière depuis 2000, avec de sensibles différences d’amplitude toutefois. Même si les « rebonds » du marché de la promotion immobilière sont nettement plus marqués, chaque repli ou redémarrage de l’activité est visible sur les deux segments de marché, fût-ce avec un décalage de quelques mois.
Cela n’est d’ailleurs pas surprenant : les mêmes causes, bien connues, produisent dans les deux cas les mêmes effets : dégradation ou amélioration de la solvabilité des ménages, selon les conditions d’emprunt (taux) ; incitations fiscales mouvantes : Scellier et Pinel, PTZ, Pass Foncier, APL accession… ; coûts de construction et pénurie de main d’œuvre ; hausse des prix du foncier ; normes et réglementations (RT 2012, RE 2020).

Cette communauté de contraintes s’accompagne de structures de marché très différentes en termes d’acteurs. Les constructeurs de maisons individuelles sont presque cinq fois plus nombreux que les quelque 400 promoteurs réguliers alors même qu’ils ne représentent que 62 % du marché de la maison individuelle « pure » (avec les particuliers qui supervisent eux-mêmes les travaux, les entrepreneurs ou artisans et les architectes). Les processus de vente sont beaucoup plus variés dans la maison individuelle, où le client particulier est souvent à l’initiative du projet.
L’indéboulonnable « rêve » des Français va devoir se chercher dans l’ancien
Pourtant, l’attrait de la maison individuelle reste le rêve des Français. D’après le baromètre Fédération française de la construction – IFOP de mars 2024, 80 % des ménages souhaiteraient vivre dans un tel logement. Un plébiscite qui, sondage après sondage, n’a quasiment pas varié depuis les années 1950.