Immobilier Paris : Rééquilibrer bureaux et logements, la délicate ambition de la mairie

La mairie de Paris veut en finir avec l’hyperconcentration tertiaire dans le « triangle d’or » de la capitale et exige d’intégrer du logement en cas de restructuration d’immeuble de bureaux.

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Moins de bureaux et plus de logements dans l’Ouest parisien : le nouveau plan local d’urbanisme (PLU) bioclimatique de Paris, qualifié de « politique communiste » par l’opposition de droite, ambitionne de rééquilibrer la géographie de l’immobilier tertiaire et du logement social dans la capitale. Un tour de force politique.

« Ce PLU, ce n’est pas haro sur le bureau », s’est défendu la semaine dernière l’ex-premier adjoint à la maire PS de Paris, Emmanuel Grégoire, lors du salon de l’immobilier d’entreprise.

L’exécutif parisien entend casser l’hyperconcentration tertiaire du très chic « triangle d’or » et ses plus de sept millions de m² de bureaux, à cheval sur les quartiers ouest et le centre de la capitale.

Une « dérive monofonctionnelle » initiée au XIXe siècle mais qui tue la vie de quartier et fabrique des rues sans administrés, argumente la mairie, alors que Paris perd déjà 10 000 habitants par an.

Intégrer du logement social en cas de demande de permis de construire

Dans la boîte à outils qui entre en vigueur début 2025, le « pastillage » de 800 adresses réservées, dont 300 immeubles de bureaux ainsi que des logements vacants ou insalubres, impose de créer du logement social en cas de demande de permis de construire, faute de quoi la mairie pourra préempter.

« Le pastillage entraîne une réelle dépréciation des biens et c’est très compliqué techniquement et financièrement de rajouter du logement dans des immeubles tertiaires », reproche Valérie Montandon (LR/Changer Paris), quand Geoffroy Boulard (LR/ Union Capitale) dénonce une « politique communiste d’attaque de la propriété privée » qui risque de « faire fuir les investisseurs ».

Fabrice Allouche, président du groupe de conseil CBRE France, voit lui un risque de « gentrification tertiaire » avec des prix qui vont « continuer de grimper ».

« La ville est très endettée et fait porter aux propriétaires à travers le permis de construire l’obligation de créer du logement, mais c’est une impasse économique« , analyse-t-il, comparant logement social à « 4.000 euros le m² » et immobilier de bureaux, qui oscille « entre 18.000 et 25.000 euros le m² ».

Malgré la crise générale de l’immobilier de bureau, le quartier des affaires parisien affiche une santé de fer, à plus de 1.000 euros le m² par an la location.

la mixité « fonctionnelle » en cas de restructuration d’immeubles de bureaux

« A 1.000 euros, nos bureaux sont pleins, mais à 100 euros en banlieue, ils sont vides. Les profits des propriétaires de bureaux parisiens depuis une vingtaine d’années sont totalement atypiques », plaide Jacques Baudrier, adjoint PCF au logement.

Pour déployer son « rééquilibrage territorial« , entre l’est trop bien pourvu en HLM et l’ouest longtemps réfractaire, Paris mise sur des zones « d’hyper déficit » en logement social.

Dès qu’un promoteur y construira 500 m², il devra en réserver la moitié à de l’habitat social. L’exécutif vise par ailleurs 40% de logement social et intermédiaire d’ici 2035.

Troisième instrument, la mixité « fonctionnelle » oblige toute restructuration de bureaux de plus de 5.000 m² dans l’ouest parisien à consacrer 10% de la surface au logement.

« La vraie question, c’est le logement. On pourra continuer à bien travailler à Paris quand on pourra aussi s’y loger convenablement », martèle Fatoumata Koné, présidente du groupe écologiste.

Pour créer du logement social sans nouveau foncier disponible, la Ville a débloqué 500 millions d’euros en 2024 pour racheter des immeubles, « plus que le budget de l’Etat », se félicite Jacques Baudrier, alors que 26% des logements privés à Paris sont « soit des résidences secondaires, soit des logements vacants », contribuant à la hausse des prix.

Une politique toutefois jugée trop dépensière par l’opposition de droite

« On a beaucoup pastillé pour ouvrir le champ des possibles mais la Ville achètera très peu », répond Emmanuel Grégoire, qui croit « davantage dans la mixité fonctionnelle » pour changer la donne.

« C’est une alchimie à équilibre précaire qui repose sur la capacité à avoir une mixité d’usages », poursuit le candidat aux municipales de 2026, rappelant comment les villes américaines « tentent de remettre des habitants dans leur centre-ville ».

Pour l’urbaniste François Déalle-Facquez, l’exécutif « réaffirme sa politique de +ville du quart d’heure+ pour rapprocher les travailleurs essentiels de leur lieu de travail ». Une cité « orientée sur ses quartiers » qui « n’est plus une ville-monde ».

« Les grands investisseurs immobiliers se sentent spoliés par ces dispositifs, mais c’est aussi le propre de la planification que de revoir des droits d’usage à l’aune de politiques publiques plus larges », ajoute-t-il.

Par MySweetImmo avec AFP