Crise politique : Quel impact sur les taux et le marché immobilier ?

La crise politique s’installe et le logement attend toujours son pilote. Entre tension sur les taux et incertitude budgétaire, les professionnels redoutent un coup d’arrêt des projets immobiliers.

facade de l'assemblee nationale avec une fleche rouge illustrant la hausse des taux d'intéret pour illustreer l'impact de la crise politique.

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C’est un gouvernement qui aura vécu quelques heures. Formé autour de Sébastien Lecornu, il a aussitôt été dissous, replongeant la France dans une nouvelle zone de turbulence politique. Parmi les ministres éphémères, Éric Woerth, nommé au Logement, n’aura même pas eu le temps d’esquisser les contours de son action.

Symbole du malaise ambiant, Valérie Létard, ancienne ministre du Logement pressentie pour revenir au gouvernement, a annoncé sur LinkedIn qu’elle refusait d’y participer : « Ni dans les priorités affichées, ni dans la composition du gouvernement, je ne retrouve les signaux nécessaires pour relancer une véritable politique du logement, à un moment où ce secteur traverse une crise profonde qui touche à la fois notre économie et la vie quotidienne des Français. »

Elle ajoute : « Je ne souhaite pas réintégrer le gouvernement, considérant que, dans le contexte actuel, je n’aurais pas disposé de la latitude nécessaire pour agir utilement. Je reprends donc ma liberté pour défendre, comme je l’ai toujours fait, les valeurs républicaines, sociales et écologiques qui m’animent. »

Une déclaration qui illustre l’état de paralysie du secteur. Pendant que le pouvoir politique se cherche, le logement — moteur historique de la croissance — reste sans pilote.

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Une facture économique qui s’alourdit

Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, la France accumule les chocs politiques. Selon l’OFCE, seize mois d’instabilité ont déjà coûté 0,5 point de croissance, soit 15 milliards d’euros. La croissance attendue pour 2025 plafonne désormais à 0,8 %, affectée par le gel des investissements et la prudence des ménages.

Les marchés, eux, traduisent ce manque de confiance. L’OAT à dix ans – référence pour les taux d’emprunt d’État – a bondi à 3,58 % après la démission du Premier ministre, avant de se stabiliser autour de 3,57 %. L’écart de taux avec l’Allemagne s’est creusé de 0,3 à 0,4 point, renchérissant le coût de la dette française, qui approche désormais 3 400 milliards d’euros. « Ce n’est pas dramatique, ce n’est pas la Grèce, mais cela va compliquer l’effort budgétaire », souligne Éric Dor, directeur des études économiques à l’IÉSEG.

Crédit immobilier, une remontée mesurée des taux

Les tensions sur les marchés obligataires se répercutent peu à peu sur les barèmes bancaires. Selon Empruntis, les taux moyens atteignent 3,10 % sur 15 ans, 3,30 % sur 20 ans et 3,50 % sur 25 ans. En cas d’instabilité prolongée, ils pourraient grimper jusqu’à 3,60 % d’ici la fin de l’année. « Stabilité, voire légère hausse sur les barèmes reçus, pour le moment », précise Nassima Khiari, responsable des relations bancaires du groupe Empruntis.

Pour Caroline Arnould, directrice générale de CAFPI, les emprunteurs ont tort d’attendre : « Les marchés obligataires réagissent souvent à chaud avant de se stabiliser. Le vrai risque, pour les acheteurs, c’est de perdre leur financement. » Et de recommander : « Rien ne justifie d’attendre. En période d’incertitude, mieux vaut sécuriser son taux au plus vite. » Les taux sur 20 ans tournent aujourd’hui autour de 3,20 % hors assurance, un niveau encore attractif pour les emprunteurs solvables.

Les ménages continuent d’acheter

Malgré le climat politique, le marché de la résidence principale reste dynamique. « Le logement demeure un besoin vital. Ceux qui doivent se loger n’ont pas l’intention de reporter leur projet », rappelle Éric Allouche, directeur exécutif du réseau ERA Immobilier. Les investisseurs, en revanche, marquent le pas, dans l’attente de signaux clairs sur la fiscalité et la future politique du logement. Pourtant, le contexte reste favorable : pénurie de biens à louer, rendements locatifs stables, et demande soutenue dans les grandes agglomérations.

Ce que le secteur attend de l’État

Pour les professionnels, le véritable enjeu n’est pas tant le niveau des taux que la visibilité politique. « L’immobilier ne peut plus être relégué au second plan. Il crée de la richesse, de l’emploi et du lien social. Il devient urgent de débloquer les projets et d’adopter une politique incitative et durable », plaide Éric Allouche. En attendant, la recommandation est claire : agir plutôt qu’attendre. Les conditions de financement demeurent historiquement raisonnables, et les acheteurs ont tout intérêt à bloquer leur taux avant que la situation politique ne s’enlise davantage.

Par MySweetImmo avec AFP